Made in Franck, c’est l’univers musical d’un jeune homme dans le vent qui ressort de son sac en coton bio des titres d’hier, d’aujourd’hui ou de demain. Un océan de notes où se mêlent récits à la première personne, photos d’une époque et chansons. Cette semaine, salto arrière pour les 20 ans de « Nevermind ».
Quand j’ai vu à la Fnac la réédition « Super Deluxe » de « Nevermind » de Nirvana (incluant 4 CDs et 1 DVD) pour le vingtième anniversaire de sa sortie, j’ai immédiatement eu des flashbacks en noir et blanc… ça fait toujours son effet ! Il y a 20 ans, Kurt Cobain et Krist Novoselic se remettaient des seulement 6 000 copies vendues de leur premier album « Bleach » (paru en 1989) en sortant « Nevermind » le 24 septembre 1991. Il y a 20 ans, j’avais 4 ans. Il y a 20 ans, ma grande sœur avait 13 ans et elle s’était offert ce jour-là comme tous les adolescents de sa génération cet album aujourd’hui mythique. C’est donc très tôt que j’ai découvert Nirvana, en même temps que U2 et The Cranberries. Merci grande sœur ! Je ne vais pas vous rabâcher toute l’histoire, tout le monde la connaît. Kurt Cobain avait pourtant juré « No I don’t have a gun… »
10 ans plus tard, au lycée, comme tous les adolescents de ma génération, j’ai redécouvert Nirvana. On a tous eu notre « époque Nirvana », composée de chemises de bûcherons piquées à papa, jeans troués détestés par maman et leurs albums en boucle dans le walkman ou le baladeur CD pour ravir la vieille dame assise à côté de nous dans les transports. On avait tous dans notre lycée ce mec inaccessible (il était en terminale ! …plusieurs fois !) qui ressemblait à Kurt derrière ses cheveux longs volontairement gras… C’était du boulot d’être « grunge » ! Et on a tous un pote avec sa guitare sèche qui reprenait les classiques du groupe dans la cours de récré… Il faut dire que le power trio aimait la sainte trinité en étant les maîtres des 3 accords qui marchent ! L’intro de « Come as you are » doit sans doute être la plus connue de l’histoire contemporaine du rock, chaque jeune « gratteux » en herbe a commencé en apprenant ça (ça, et Oasis) ! Moi, je n’ai jamais essayé la guitare. Mais, comme tout ado qui se cherche, pour me justifier de mes autres « essais » je me servais de Nirvana en citant fièrement les paroles de « All Apologies » : « Everyone is gay ». Kurt Cobain, icone gay ?
Plus de 30 millions d’exemplaires vendus plus tard, j’ai remis ma première édition de « Nevermind » dans ma platine cette semaine (les 20 000 premières copies ne comportent pas la piste instrumentale cachée «Endless Nameless »). La galette punk rock démarre avec l’hymne « Smells Like Teen Spirit » reconnaissable dès la première seconde. Mythique. D’un coup de guitare, j’ai retrouvé mon adolescence – les boutons d’acné en moins. Je me suis revu à 16 ans, dans ma rockothèque de province, à parfaire ma culture musicale en pogotant sur « Lithium » et criant des « yeeeeaaaahhh yeeeaaah !!! » avec l’index et l’auriculaire en l’air ! C’est là-bas que j’ai bu mes premières bières et appris mes classiques des Red Hot Chili Peppers et de Noir Désir (tout comme la chorégraphie de « L’homme pressé »). Les californiens avaient d’ailleurs aussi sorti (à leur dépens) leur album « Blood Sugar Sexy Magik » le 24 septembre 1991. Même Michael Jackson s’est fait battre en janvier 1992 par les gars d’Aberdeen dans le sacro-saint classement Billboard des meilleures ventes de disques aux Etats-Unis.
« Nevermind » n’est plus qu’un album à la mode pour ado enragés de la « Génération X », il est devenu en 59 minutes et 21 secondes de riffs saturés un phénomène culturel. Il se classe en troisième position sur la liste des albums les plus acclamés de tous les temps par la critique. En 12 pistes, on slame sur un disque de rock complet avec des morceaux de rock alternatif évidents comme « In Bloom », une chanson mythique « Territorial Pissings » enregistrée en une seule prise où Kurt va jusqu’à (comme dirait Patrick) se « casser la voix », « Loung Act » un titre mélodique presque pop-rock, et même une ballade finale avec « Something In The Way ». Un second album pour le groupe qui les imprima à jamais dans l’histoire du rock et le premier avec Dave Grohl à la batterie qui mêla comme le dira Kurt « une guitare rugissante et une batterie sauvage ». Guitare-basse-batterie, le trio gagnant ! Un disque insolent, à l’image de la rébellion et de l’angoisse des jeunes des années 90 voyant que le nouveau siècle n’aurait plus rien à leur offrir et pourtant, toujours à l’air du temps. Comme l’image de Cobain caché derrière ses lunettes de soleil extravagantes et figé à jamais à 27 ans sur ses photos, « Nevermind » n’a pas pris une ride. D’ailleurs, avant même de célébrer les 20 ans de sa sortie dans les bacs, Amy Winehouse a, malgré elle, remis Nirvana et surtout Kurt Cobain dans l’actualité en étant depuis la nouvelle rockstar à entrer tristement au « club des 27 ».
« T’façon, Kurt avait tout compris » qu’on lâchait aussi sûrs de nous qu’effrontément face à toute forme d’autorité. Sauf qu’une décennie plus tard, le business en avait fait son affaire et on tombait tous dans les rééditions, les inédits, les T-shirts imprimés et les badges aux smileys qui tirent la langue. Alors si les puritains crient au scandale de ce marché qui rapporte toujours aux maisons disques, voyez là une opportunité pour les nouvelles générations d’adolescents de s’intéresser et de s’acheter en version physique un vrai album de rock, qui fera partie de leur culture musicale comme il a influencé la mienne. Le journaliste musical que je suis devenu sourit nostalgiquement devant ces nouveaux jeunes squattant la place de la Bastille, Converses noirs déchirées, jeans troués et vestes à capuche au logo NIRVANA, voyant que le groupe n’est pas oublié et que la relève est assurée. Pour cette pochette au bébé tout nu nageant sous l’eau vers un billet d’un dollar qui m’a marqué petit garçon, pour m’avoir fait me battre contre mes parents pour me laisser pousser les cheveux à 16 ans, pour les bleus que j’ai récoltés pendant des pogos sur « Breed », et pour figurer toujours dans mon iPod : Bon anniversaire et longue vie à toi « Nevermind » !
PS : Il est devenu quoi Spencer Elden, le bébé de la pochette ?
Texte : Julien Franck / Photos : Mickael Komer
GENIAL cet article. Il y a 20 ans, j’étais presque née… Mais c’est tellement mythique et indémodable que limite..J’ai les même souvenirs!
<3 tellement vrai! et on en a fait des decouvertes dans notre rockotheque provinciale
Nevermind….Nirvana…Kurt Cobain…LE ROCK DES ANNEES 90…..