Dexter ou le grand fiasco

L’arrivée de Dexter sur les ondes en 2006 avait réjoui la communauté des fans de séries. Antihéros attachant, serial killer inoffensif pour bien des gens, geek incompris, Dexter avait tout du héros qui allait entrer au panthéon des héros cultes… C’était sans compter sur les 4 saisons de trop qui ont poussé le personnage à des années lumières de sa trajectoire initiale.

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A force de tirer sur la corde qu’à la fin, elle se rompt ou tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. Telles pourraient être les marottes qui s’accordent le mieux à la série Dexter qui en 8 saisons est passée de l’œuvre télévisuel au feuilleton banal que l’on regarde jusqu’au dernier épisode « juste pour savoir la fin» . Comment expliquer un tel fiasco ? Comment après un début s bien maîtrisé, un héros si bien travaillé, les scénaristes ont pu arriver à cette fin si plate ? Si vous n’avez pas encore vu le final de Dexter et que vous ne voulez pas vous gâcher le plaisir de le découvrir, passez votre chemin, sinon restez ici et essayons de comprendre comment la série a pu ainsi explosé en plein vol.

Septembre 2006 : Showtime dégaine Dexter, nouvelle série de 52 minutes mettant en scène la police de Miami. Son héros, Dexter Morgan (Mickael C. Hall), est expert en taches de sang. Jusque là, rien de plus normal. Sauf que la nuit venue, il se transforme en serial killer, assoiffé de sang et dont le Passager Noir consume quotidiennement. Il ne trouve de répit que lorsqu’il tue mais pour que chaque meurtre ait vraiment du sens, Harry (James Remar), son père adoptif , lui a appris à assassiner les parasites, les criminels tombés entre les mailles du filets et dont les actes restent impunis.

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La série marche fort, Dexter devient vite une référence et sa romance avec la jolie Rita (Julie Benz) renforce le sentiment de sympathie que l’on éprouve pour lui. Le tour de force est magistral : les scénaristes ont réussi à ce que les téléspectateurs aiment et s’identifient à cet être inadapté à la société. Et que dire lorsque Dexter découvre les joies de la paternité avec Harrisson… Par ailleurs, les nemesis de Dexter sont parfaits : son frère, Rudy/ Brian (Christian Camargo) le fait douter sur ses pulsions le faisant pratiquement passer « du côté obscur de la Force », l’amante Lila (Jaime Murray) l’entraîne du mauvais côté de la barrière, Miguel Prado (Jimmy Smith) l’initie au pouvoir et à la grande vie et enfin Trinity (John Lithgow) lui vole son bien le plus cher, sa femme Rita qu’il assassine dans sa baignoire.

On se dit alors que Dexter va mener sa vendetta pendant la saison 5 et qu’après il disparaîtra dans le sens le plus littéral du terme. Car un personnage aussi maudit que lui ne peut pas s’en sortir, c’est impossible, il a commis bien trop de délits et il ne supporterait pas d’être enfermé aux yeux et à la barbe de ses amis. C’était sans compter sur l’appétit insatiable des producteurs qui donnent à la série une cinquième saison non pas en guise d’apothéose mais plutôt d’ouverture vers plusieurs autres saisons… ce qui n’était pas du tout prévu au départ.

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Et là commence le drame. Les histoires deviennent assez banales, Dexter perd de son intérêt, son histoire d’amour avec Lumen (Julia Stiles) semble trop soudaine et les serial killers, fils rouges de chaque saison, ne sont que des prétextes à plus de violences : Travis Marshall (Colin Hanks) poignarde ses victimes et recréé des tableaux célèbres, Isaak Shirko (ray Stevenson) est le mafia dont personne ne se souvient assassine ses victimes en les torturant et enfin Oliver Saxon (Darri Ingolfsson) tranche à la vue du téléspectateur les gorge de ses victimes.

Côté familial, la révélation de la vraie nature de Dexter aux yeux de Debra (Jennifer Carpenter) n’a pas l’effet escompté : alors qu’on s’attendait à une opposition frère/sœur et une traque sans fin entre les deux, on assiste à la transformation de Debra en pseudo tueuse qui finit par tuer la pauvre La Guerta (Lauren Velez) qui avait tout compris plutôt que d’arrêter la folie meurtrière de son frère. Quant à la révélation de ses sentiments pour Dexter -elle en est folle amoureuse- elle fond comme neige au soleil et provoque dans le public un dégoût certain… donnant un peu une impression d’inceste.

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Le téléspectateur ne sait plus trop où va l’histoire, les personnages secondaires comme l’excellent Matsuka (C.S. Lee) et le trop peu exploité Batista (David Zayas) deviennent presque des fantômes hantant le poste de police de Miami. Et quand la fin arrive, on se demande comment les scénaristes ont pu pondre une histoire aussi ridicule : Debra meurt, son frère la jette dans l’océan où il jetait ses victimes et il fonce se suicider avec son bateau dans la mer déchaînée. Manque de pot, il se rate -c’est ballot quand même!-et il finit au fin fond de l’Alaska ou autre état dont la plupart ignore l’existence à couper du bois, seul, reclus…

Dexter est l’exemple type de la série qui fonctionne et sur laquelle les producteurs tirent comme une vache à lait afin de faire le maximum de bénéfices… Mais à force, le show qui était excellent à ses débuts s’est terni, perdant toute sa crédibilité. Une leçon à tirer de ce feuilleton dont on se rappellera sûrement désormais pour sa fin stupide : quand une série est prévue sur 5 saisons au départ on ne la prolonge pas au-delà. Malheureusement, l’appel des billets verts aura toujours le dessus sur la liberté de la créativité…