Cali dévoile « L’Age d’Or », son sixième album.

En ce mois de mars musicalement fertile, Cali nous revient avec son sixième album studio, « L’Age d’Or », porté sur les ondes par le single « La Vie Quoi! », un titre facile mettant logiquement la vie à l‘honneur, ainsi que les baisers amoureux, un thème particulièrement récurrent chez le chanteur perpignanais. Un premier extrait sympathique donc, mais qui ne présageant pas de réelle originalité ne méritait guère mieux, comme réaction, qu’un impassible, mais néanmoins appréciateur, « c’est du Cali, quoi. » – à l’instar de la vie, sans doute.
Cali

En effet, depuis ses débuts, Cali chante la vie et l’amour avec une sincérité viscérale et une grande générosité, laquelle transparaît à merveille sur scène où l’artiste se révèle être un show man hors-pair débordant d’énergie. Si ses deux premiers albums (« L’Amour Parfait » en 2003 et « Menteur » en 2005) traitent essentiellement de l’amour, avec ses joies et ses ruptures, de l’amour parfait à l’amour « poseur de bombes ou de lapins » (l’amour terroriste que l’on croise sur le titre « Je Sais » de l’album « Menteur »), Cali développe sa palette avec son troisième album « L’Espoir » (2008), plus riche, plus foisonnant et engagé, chantant la Résistance, appelant à « L’Espoir », à un certain esprit révolutionnaire épris de liberté. Cali sort alors de sa tendance aux historiettes d’amour un brin répétitives pour chanter les autres, notamment ses grands-parents Giuseppe et Maria, dans un album humaniste tenant l‘espoir en bannière.

Malheureusement paraît deux ans plus tard l’album « La Vie Est Une Truite Arc-en-ciel Qui Nage Dans Mon Cœur »,  très mal reçu par la critique, un disque excessif en tout point, dans les mots comme dans l’interprétation, théâtral jusqu’à la mauvaise démesure : une forme de cliché Cali, parfaitement incarné par le premier extrait « L’Amour Fou », s’installe, et même inquiète. Cali nous rassure avec l’album suivant, « Vernet-Les-Bains », sorti en 2012 : un disque infiniment plus intimiste que le précédent, tout en finesse et en sobriété, un contrecoup au précédent album comme une étonnante gueule de bois, entre désillusion douce-amère et nostalgie saisissante. « Vernet-les-Bains », comme un hommage du chanteur au village où il a grandi : un retour aux sources, mais aussi un renouveau. Cali y rechante l’amour, mais Cali chante l’enfance, l’adolescence, les souvenirs ; la vieillesse, aussi. Depuis « Vernet-les-Bains » Cali lance un regard plus complet sur la vie, plus lucide et plus profond que jamais. Le chanteur a franchi un cap, désormais il touche, il émeut.
Et voilà « L’Age d’Or » ! Ce disque tant attendu a dévoilé son véritable potentiel avec le titre « Tout Ce Qui Ne Reviendra Plus », rendu accessible quelques jours avant la sortie officielle de l’album. Un titre confirmant l’orientation prise sur « Vernet-Les-Bains », ouvertement nostalgique, où le chanteur perpignanais raconte ses souvenirs d’enfance : les fêtes foraines, l’école, les amis (« se coudre ses meilleurs copains, sur le cœur jusqu‘à la fin »), un premier baiser (à dix ans – voilà qui explique la récurrence des baisers dans la discographie du chanteur), ses six ans dans les robes de sa mère. Cette chanson s’avère particulièrement touchante, incontournable même, tant le chanteur s’y livre, tant le chanteur se raconte et touche, avec justesse et sincérité.

Sorti le neuf mars dernier, cet album est du même acabit, excellent.

Mélange parfait mais transcendé entre « L’Espoir », pour l’énergie (pour l’espoir !), et « Vernet-Les-Bains », pour la sincérité profondément intimiste, « L’Age d’Or » représente à n’en pas douter le meilleur de Cali. Si la nostalgie du chanteur s’érige sur un terrible constat ( « À partir d’un certain âge on a plus de raison de pleurer que de rire ») dans le titre « C’était Beau » où il raconte son enfance à Vernet, c’est surtout parce qu’elle est violente d’être magnifique (« C’était beau, c’était beau, crois-moi ; c’était beau, j’étais beau là-bas »). Et cette magnificence, Cali ne l’oublie pas, bien au contraire ; s’il chante son passé, c’est aussi pour en tirer une certaine forme de foi, comme dans le titre « Le Cœur Chargé Comme Un Fusil » qu’il adresse à ses grand-pères, chantant leurs courages du temps où ils avaient l’amour et la révolution dans les yeux, chantant l’espoir, toujours, que leurs descendants portent à leurs tours  cette énergie généreuse et engagée, « le cœur chargé comme un fusil ».

 

Cali chante ainsi sa propre descendance, d’abord sur  « Coco », interprétée en duo avec sa fille Coco-Grace Caliciuri, un titre tendre et positif, jonché de cris du cœur (« Alors la vie est belle ! ») autour de formules savoureuses et originales de l’amour paternel (« Tes cils sont des pinceaux qui battent comme les talons du danseur flamenco de la plata del sol »), auxquelles la voix de Coco apporte charme et douceur (« Quand on part pour l’école tous les deux le matin On est comme deux gangsters qui vont braquer le bonheur »). Cali chante également pour Poppée, sa petite dernière, un titre touchant à l‘écriture magnifique : « T’as le visage qui se plie comme un bandonéon, quand tu souris aux anges, t’es si belle j’suis si con »,  « Toi tu marches à quatre pattes moi je tiens plus debout, dans tes cheveux  en soie y a du blond y a du roux ; y a la carte du monde dessinée dans tes mains qui viennent se râper à ma barbe du matin ». À travers ces deux titres Cali dénonce la vanité des conflits parentaux, faisant de ses enfants de grandes promesses, ou de grands rappels, d’un bonheur dont brille l’album entier.

On constate cette même dénonciation des conflits dans le couple dans un titre moins autobiographique, où un homme condamné par la maladie tend finalement à ouvrir son cœur à l’être aimé (Je Dois Te Dire Tout Ça). Le Grand Chemin, en duo avec Jimme O’Neill, est un chant d’amour plein d’emphase, d’amour qui a vécu mais d’amour toujours plein (« Je vais t’emmener là-bas la vie nous a volé presque rien. Je vais t’emmener là-bas c’est au bout du grand chemin » ; « Chérie et sous ta robe rouge il y a mon rêve qui bouge, je t‘aime comme au début ». ) : un super morceau taillé pour les concerts.

L’album se termine avec la chanson qui lui donne son titre, « L’Age d’Or », un grand moment de poésie qui incarne à merveille les contradictions et la beauté de ce sixième opus. Cali y dépeint un havre de paix, riche de « pains dorés », de « soleils d’or » et de « sable fin », avec les rêves du cœur qui habitent « les maisons blêmes » et l’amour au-dedans des problèmes, « la mer à deux pas de l’étoile les jours de grand vent », et « l’hiver avec une cigale dans ses cheveux blancs ».

« L’âge d’or » de Cali est un âge de nostalgie dont l’amour s’est imposé par transparence, comme du vin « qui pétille même quand il dort », dans la profondeur des plus beaux souvenirs dont naissent l’espoir et les plus nobles sentiments. S’il y a en effet de tout cela dans cet album, c’est parce que Cali s’y livre comme jamais ; « L’Age d’Or »  est d’une impudeur magnifique.
Tim Jouy