Wendy Bouchard (EUROPE 1) : « On me fait confiance et c’est le meilleur stimulant ! »

Arrivée sur Europe 1 en 2006, Wendy Bouchard a pris cette saison les rênes d’ « Europe Midi » tout en poursuivant la présentation de « Zone Interdite » sur M6. La journaliste hyperactive est revenue pour Coulissesmédias.com sur les origines de son émission au succès grandissant et surl’importance de l’interactivité avec les auditeurs. Elle en a également profité pour évoquer l’évolution du programme, allongé de 30 minutes à la rentrée, et sa grande fidélité aux deux médias.

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Coulissesmédias.com : Vous avez gagné 250 000 auditeurs en un an. Comment vivez-vous ce succès ?

Wendy Bouchard : C’est un succès qu’il faut relativiser parce qu’on sait combien les auditeurs sont faciles à perdre (rires). Il suffit que l’humeur ne soit pas la bonne, qu’il y ait trop de foot, trop d’économie ou de politique pour que l’auditeur passe à une autre station et mette des mois voire des années à revenir. Quand j’en gagne, c’est formidable, cela veut dire qu’il y a une adhésion avec le principe de cette formule, avec l’envie de se voir expliquer l’information dans une certaine convivialité. En tant que journalistes, on va un peu vite en besogne et ce qui est intéressant ici, c’est de poser des questions de base qui sont nécessaires pour mieux comprendre les choses.

Coulissesmédias : Votre mission était de proposer un nouveau journal beaucoup plus interactif. L’objectif est-il atteint

Wendy Bouchard : Oui mais je pense qu’on peut aller encore plus loin dans la prise de parole des auditeurs. J’aime l’information, j’aime les gens mais je n’aime pas le café du commerce donc il faut trouver la frontière entre le fait d’ouvrir le standard et délaisser les gens, raconter ce qu’ils veulent et la possibilité d’avoir des propos plus raisonnés où il y a une opinion et une interpellation avec l’invité. C’est nourri et construit et je pense qu’on devrait poursuivre dans cette voie pour mettre les auditeurs devant des clichés ou des idées reçues, le but n’étant jamais d’humilier les gens évidemment mais parfois, on est dans le fantasme et le fait de se retrouver face à un invité expert sur un sujet permet de relativiser.

 

« J’ai envie de faire vivre les régions »

_DSC7992Coulissesmédias : Comment est née cette nouvelle formule ?

Wendy Bouchard : Elle existait déjà il y a 45 ans, aux origines d’Europe 1 lorsque Jacques Paoli présentait cette tranche dans le même studio. On retrouvait de l’actu, beaucoup de magazine, des sujets de société et de la culture. Les auditeurs pouvaient prendre la parole, aller de table en table. Il y avait un côté convivial que le nouveau patron d’Europe 1, Fabien Namias  a voulu récupérer. L’an dernier, je présentais la tranche du midi le week-end avec un autre rapport au temps. L’écoute est différente et on a davantage le temps d’expliquer les choses dans un rapport plus convivial. Le dimanche soir, je présentais aussi l’émission « Le forum citoyen » où je donnais la parole à des Français qui venaient en studio réagir à toute l’actualité de la semaine. Tout cela a plu à la direction et on en a fait un mélange en bâtissant l’émission ensemble en pensant à la meilleure alchimie.

On a fait de toutes petites corrections en début d’année parce que cela allait trop vite et trop de sujets étaient abordés alors il a fallu freiner nos ardeurs. J’avais des retours d’auditeurs qui nous disaient : « Mais calmez-vous ! Vous fonctionnez à quelle drogue ?! On n’arrive pas à vous suivre ! » (rires). La formule est née ex-nihilo avec quelques souvenirs nostalgiques. On n’invente jamais rien en télé ou en radio mais on récupère et on fait évoluer des formules de l’ancien temps. Moi qui n’avais jamais animé de tranche aussi dense toute seule, j’avais envie de me jeter dans cet exercice et Fabien Namias m’a dit : « Il faut que tu sois le pivot de cette émission, c’est toi qui distribues la parole, c’est toi qui es le chef d’orchestre, c’est toi qui t’impliques et qui fais débattre. Ca va être un truc très physique pendant 1h30 puisque tu tiens tout mais tu vas y arriver ! » Il me donne 30 min de plus dès septembre (ndlr : « Europe Midi » sera diffusée de 12h à 14h) donc je me dis que j’ai déjà franchi un petit pallier dans ce projet.

Coulissesmédias : Savez-vous déjà comment vous ferez évoluer l’émission à la rentrée ?

Wendy Bouchard : Oui, je sais ce qui ne fonctionne pas tout à fait bien, ce qu’on peut corriger dans cette formule actuelle et ce qu’on peut ajouter. On pourrait faire vivre davantage la France comme on l’a fait avec le train des municipales. J’ai envie de faire vivre les régions notamment mais il faut voir comment on peut le faire. J’ai 30 minutes de plus pour imaginer toutes ces choses et je m’y mets dès aujourd’hui puisqu’il faut réfléchir à cette nouvelle formule pour la rentrée, le 25 août, même si l’on gardera vraiment le canevas essentiel. Il faut le temps justement que cela s’enracine donc on ne va pas toucher à ce qui plaît et qui est déjà posé. En tout cas, on sera dans l’actualité. On a une rédaction magnifique à Europe 1, très performante, assez jeune, déployée partout, en France et à l’étranger. On a une vraie force de frappe et je me dis qu’il faut exploiter cette rédaction hyper réactive. Il y a le journal bien sûr, les différents journaux mais j’aimerais que cette 1/2 heure serve aussi à cela. Ce sont de petites ébauches mais c’est aussi le travail de réflexion que l’on construit et c’est un mécanisme de précision. On sait exactement qui nous écoute, à quelle heure, quel profil etc… On met tout dans un pot commun et on essaie de faire  la meilleure alchimie même s’il n’y a jamais de science exacte.

 « Europe 1 m’a tout appris et j’y suis bien »

Wendy Bouchard Coulissesmédias : Aujourd’hui, l’information ne peut-elle plus se faire sans l’interactivité avec les auditeurs comme il y a quelques années lorsqu’un journaliste incarnait le journal et donnait la priorité à l’info et aux faits ?

Wendy Bouchard : Non, je ne pense pas. il ne faut pas que ce soit le totalitarisme de l’interactivité. Sur Twitter, il y a souvent des opinions qui n’ont aucun sens. Il faut que ça alimente la discussion, je ne m’amuse pas à relayer pour relayer, je fais le tri et c’est mon travail de journaliste. Je vois ce qui arrive sur ma tablette et je vois ce qui peut être intéressant pour faire réagir les invités. Parfois, je m’autorise une petite coquetterie parce qu’il y a des tweets rigolos donc on peut le dire dans l’humeur, cela dépend du sujet mais je ne veux pas être prisonnière d’une mode. Cela parait intéressant parce que c’est en prise avec l’actualité et, comme la radio, c’est instantané mais je ne pense pas qu’on soit obligé aujourd’hui de faire une émission interactive. Il y a des émissions d’interviews, de tête à tête culturel, politique, économique, qui s’en passent très bien. C’est un plus dans une formule qui peut le recevoir comme telle mais il ne faut pas se laisser déborder. C’est à moi d’équilibrer tout ça et évidemment ce qui prédomine, ce sont les auditeurs, pas les twittos ni les internautes.

Coulissesmédias : C’est aussi le premier journal présenté avec la présence d’un public en studio. Quelle est la valeur ajoutée par rapport à un simple standard ?  

Wendy Bouchard : Cela m’apporte des spectateurs au sens où je vois leur réaction. Je peux voir si une information les heurte ou s’ils n’ont pas très bien compris un sujet et cela me déstresse parce que je ne suis pas toute seule dans mon aquarium à faire mon truc. Là, je vois ce qui touche, ce qui fait rire, ce qui inquiète ou interpelle. C’est un bon baromètre en plus de l’actualité. Le standard reste fondamental parce qu’on reçoit des appels de personnes de la France entière même s’il faut faire la démarche et qu’on perd en réactivité avec le filtrage etc. La présence de ce public me plaît parce qu’on est dans l’échange, dans le rapport convivial. Par ailleurs, les anonymes en studio sont dans le questionnement en public puisque je leur dis bien : « Voilà, on a fini d’évoquer ce sujet, donnez votre sentiment mais aussi, essayez d’avoir la position d’un journaliste. Quelle question vous aimeriez pouvoir poser au ministre ?  Vous l’avez devant-vous, profitez-en ! » C’est parfois plus simple de poser la question à un homme qui est devant vous que de prendre son téléphone. L’année prochaine, je vais devoir faire du lobby pour démarcher un peu partout car le public est encore un peu timide donc j’encourage tous les jeunes, les futurs journalistes à venir. On est dans le bain de l’actu et c’est un bon exercice.


Coulissesmédias : On a le sentiment que vous êtes une enfant d’Europe 1. Etes-vous courtisée par d’autres stations ?

Wendy Bouchard : Non, parce que je suis fidèle et c’est très bien comme ça. Je n’arrête pas de répéter ma fidélité donc les gens se disent : « Bon, on ne va pas toucher à cette fille ! » (rires). Cela n’a jamais été le cas et je ne fais rien non plus pour que cela le soit parce que j’estime qu’Europe 1 m’a tout appris et j’y suis bien. La vie m’emmènera peut-être ailleurs un jour mais aujourd’hui, mes racines sont là. J’aime ce que je fais et il y a tellement de choses à créer que je me sens vraiment aux couleurs d’Europe 1. Je me sens bien, je sens que le ton progresse. On essaie de trouver des choses plus modernes qui vont avec l’empreinte du temps. En plus, on me fait confiance et c’est le meilleur stimulant.

Coulissesmédias : Vous avez fait plusieurs années de radio avant d’atterrir sur M6. Comment s’est faite cette association ?

Wendy Bouchard : C’était très étonnant. Les patrons d’M6 qui m’avaient démarchée pour Paris Première m’ont laissée dans l’attente et deux ans après cette première entrevue, ils m’ont dit : « Ecoute, on est des diesel. On fonctionne doucement, on a repéré quelqu’un et puis il faut que l’idée mûrisse etc… On adore ce que vous faîtes à la radio et on sait que ce que cela peut nous servir pour « Zone Interdite » ». J’ai trouvé ça top parce que ce ne sont pas les chroniques culturelles que je faisais sur TF1 qui leur ont plu mais mon travail de journaliste. Je me suis dit que je pouvais apprendre beaucoup en faisant un travail d’enquête sur une très belle émission. Je n’ai pas fait de pilote, ils m’ont vraiment fait confiance et puis j’étais bien entourée et associée aux réflexions sur les premiers sujets.

« Je veux apporter l’audace de changer les codes pour que « Zone Interdite » perdure »

Coulissesmédias : Anne-Sophie Lapix ou Claire Barsacq ont présenté « Zone Interdite » avant vous avant de quitter M6 assez rapidement. Avez-vous eu des offres d’autres chaînes ?

Wendy Bouchard : J’ai été approchée l’année dernière par France 2 et ce dilemme s’est posé. La proposition était très intéressante. J’ai eu une grosse hésitation en me disant : « Je suis rentrée il y a un an sur M6, qu’est-ce qu’on va dire de moi ? Qu’est-ce que les patrons vont dire de moi ? Ce n’est pas correct. Il faut que je m’investisse plus que cela  » Je n’avais pas envie qu’M6 et« Zone Interdite » soient un tremplin pour faire autre chose. Peut-être que je pêche par ma fidélité mais je suis comme ça.

Coulissesmédias : M6 est souvent considérée comme une chaîne tremplin…

Wendy Bouchard : Maintenant, est-ce que c’est toujours ça ? Est-ce que la télé n’a pas changé très vite ces dernières années ? Ce fût une chaîne tremplin mais ce n’est pas ce que je veux en faire. J’ai envie que les patrons me fassent confiance. Aujourd’hui, ça fonctionne en CDD à la télé, c’est le contrat de saison, ça va vite et c’est toujours frustrant de ne pas pouvoir aller dans la durée contrairement à ce qui se passe à la radio et c’est pour ça que j’aime cette radio. C’est parce qu’on m’a laissé prendre le temps de poser les choses. C’est la grande différence entre la télé et la radio. Donc, je ne sais pas si c’est bien que ce soit un grand tremplin en fait parce qu’on peut se brûler les ailes. J’ai failli lâcher M6 et cela aurait été une bêtise mais je me suis raisonnée moi-même.

Coulissesmédias : «  Zone Interdite » est diffusée depuis 20 ans. Comment parvient-on à faire évoluer un programme aussi emblématique ?

Wendy Bouchard : C’est difficile parce qu’il y a une fidélité des téléspectateurs. Il y a des repères mais je pense que le rôle d’un présentateur est d’apporter sa griffe et d’essayer de sentir ce que recherchent les gens. C’est une émission qui doit évoluer parce qu’elle est de plus en plus concurrencée. Elle a su évoluer avec l’ère du temps mais je pense qu’on a encore plein de choses à y apporter. On a bien vu que « Zone Interdite » s’était affinée. A un moment, c’était très société, puis beaucoup plus superficiel avec des sujets sur les nouvelles tendances puis on est allé dans des choses plus guerrières comme les « flics story » avec des immersions avant de se réorienter. Aujourd’hui, on essaie de raconter une histoire. C’est le seul magazine en France avec « Envoyé Spécial » à mettre autant de moyens à la différence près qu’on s’intéresse à un seul sujet. Bâtir un 90 minutes représente un investissement énorme. C’est un magazine de prime-time et je pense qu’on peut aller plus loin tout en mettant beaucoup d’informations, en sortant un peu des sentiers battus et en ne faisant pas toujours les mêmes sujets qui marchent depuis 20 ans. On a eu la tentation cette année de faire tout le contraire et de surprendre. On a surpris avec la magnifique émission sur la culture gitane qui a attiré 4 millions de téléspectateurs ou avec une immersion dans le parcours d’un clandestin qui traversait la Méditerranée qui, cette fois, n’avait pas marché (ndlr : l’émission avait attiré 2.2millions de téléspectateurs le 24 novembre 2013) mais ce n’est pas grave parce que c’était un doc de qualité. Dans cette prise de risque qu’il faut être capable de faire, on a de bonnes et de mauvaises surprises mais on ne nous reprochera jamais d’être sur un sujet au moment où il le fallait. J’ai ressigné pour un an et ce que je veux apporter, c’est l’audace de changer les codes s’il le faut pour que cette émission perdure encore plusieurs années.

« Si je devais faire un choix, je garderais la radio »

Wendy Bouchard  europe 1

Coulissesmédias : Thomas Sotto, présent comme vous sur Europe 1 et M6, a préféré abandonner la présentation de « Capital ». Pourriez-vous également décider de vous consacrer entièrement à la radio ?

Wendy Bouchard : Oui, à la différence que Thomas se lève très tôt et travaille le matin pour une tranche qui ne demande pas la même énergie que moi. Je suis capable aujourd’hui de cumuler les deux fonctions sans avoir d’emploi fictif. Si j’étais jeune maman comme Thomas est jeune papa et que je voulais me consacrer totalement à mon métier principal, je le ferais. Cela dit, il a raison de dire qu’on ne peut pas être au four et au moulin et tout bien faire. Je suis capable de bien faire les choses parce ma vie me permet aujourd’hui de m’organiser comme cela mais si j’ai d’autres priorités un jour et si je devais faire un choix, je garderais la radio.

Coulissesmédias : C’est sur ce média que vous vous sentez le plus à l’aise ?

Wendy Bouchard : Je me sens plus à l’aise à la radio parce qu’on est vraiment au cœur des choses et que tout évolue alors qu’on parle et ça, c’est génial. En studio, je suis branché à l’AFP, j’ai mon rédac chef qui me tiens au courant des différentes dépêches, j’ai des journalistes qui peuvent nous éclairer. Je peux faire une émission spéciale jusqu’à 15h parce qu’il y a tel ou tel évènement. On imagine beaucoup de formules et on essaie d’être plus près des gens et ce média est direct. La télé permet de prendre le temps des choses. Quand je suis frustrée parce que je fais 10 minutes un sujet à Europe 1,  je me dis que cela pourrait être un très bon « Zone Interdite » l’an prochain. J’efface ma frustration à la radio avec ce que je fais à la télé. Ce sont vraiment deux métiers complémentaires mais « mon média » le plus simple, le plus naturel, c’est la radio. Peut-être parce que j’ai grandi là-dedans, même si je n’étais pas très auditrice plus jeune. Mes parents écoutaient Europe 1 mais j’aimais beaucoup la télé et la presse écrite et c’est ce que je voulais faire à l’origine. Finalement, je m’y suis mise et j’ai reconverti toute la famille.

« Je regarde les JT mais je ne trouve pas cela terrible »

Wendy Bouchard

Coulissesmédias : L’actu est au cœur de vos émissions. Aimeriez-vous présenter un JT ?

Wendy Bouchard : (Elle hésite) Pas sur une chaîne d’info en continu parce que je trouve que ça peut être formidablement intéressant comme ça peut être formidablement l’inverse du journalisme car les heures de direct font qu’on aplatit toutes les situations et qu’on met à la même hauteur les infos qui n’ont absolument rien à voir. Moi, je me dis que le JT a tout à réinventer aujourd’hui. Je le regarde mais je trouve cela pas terrible. Les présentateurs sont très bons mais je trouve que le contenu n’est pas surprenant et pourtant, on innove dans le décor, dans la forme etc… mais pas assez.

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Les sujets qu’on fait à Europe 1 sont souvent plus percutants. Ils ont une rédaction magnifique mais ils sont encore avec les codes d’un journal télévisé rigide et quelque part, ils ont raison puisque ça marche donc rien ne les encourage à changer mais moi, je vis l’information autrement et je vois très bien dans ma tête ce qui pourrait changer. Si un jour on me demande de faire un JT, je vois exactement à quoi ça pourrait correspondre et peut-être que ce serait la bonne formule.

 

Propos recueillis par Olivier Sudrot.

Photos : Jacques Dussaux, Europe 1.