Marianne James : « On n’a jamais autant parlé de l’Eurovision dans les médias »

A quelques jours de la grande finale de l’Eurovision au cours de laquelle Amir représentera la France avec son tube « J’ai cherché », les festivités ont commencé à Stockholm. Pour l’occasion, Coulissesmedias a rencontré Marianne James, qui commentera aux côtés de Jarry sur France 4 puis de Stéphane Bern sur France 2 les demi-finales et la finale du concours. Et c’est en toute franchise que la présentatrice de « Prodiges » s’est livrée sur ses espoirs et ses impressions vis-à-vis de l’événement.

EUROVISION 2016

 

Coulissesmedias : La grande finale de l’Eurovision se déroulera le 14 mai, vous êtes pressée d’y être ?

Marianne James : Pour moi l’aventure commence même le 8 puisque je commente les demi-finales, diffusées le 10 et 12 mai sur France 4, avec Jarry. Le samedi soir, effectivement, ce sera la finale sur France 2 et avec Stéphane Bern.

 

Coulissesmedias : Une grande semaine vous attend donc, avec en point d’orgue la grande soirée du 14…

Marianne James : Le 14 c’est la grande soirée mais je considère qu’elles sont déjà pas mal les deux autres aussi. Surtout cela va me permettre de bien connaître les artistes de l’intérieur puisque je les aurai déjà vu passer et je pourrais même comparer leurs prestations entre la demi-finale et la finale.

 

Coulissesmedias : Les demi-finales sur France 4, c’est une première. C’est important de les mettre en avant ?

Marianne James : Ça montre l’attachement de notre pays et du service public au concours et il fallait ouvrir ses portes qui n’étaient pas ouvertes en France. On n’a jamais autant parlé de l’Eurovision dans les médias et on ne pouvait pas avoir de chance de gagner si on n’avait pas le pays avec nous. Là on est en train de renverser les Français là-dessus, nous on est déjà convaincu mais on est en campagne, ça s’appelle comme ça, pour convaincre les gens que la soirée sera belle et que ça vaut la peine de supporter notre chanteur. Il faut aussi dire à tous nos amis de l’étranger, à tous les Français qui vivent à l’étranger, de voter massivement pour Amir depuis les pays où ils sont. Londres est le 21e arrondissement parce qu’il y a autant de Français là-bas que dans un arrondissement de Paris, il suffit juste que ces gens-là téléphonent, tout simplement. Il faut qu’avec les copains, on se sert les coudes.

 

« J’attends impatiemment les trois émissions »

 

Coulissesmedias : Vous allez animer les demi-finales avec Jarry, que vous connaissez très bien. C’est un plaisir de le faire avec lui ?

Marianne James : On se connaît très bien donc on ne se découvre plus, là on va être à l’antenne ensemble. Que ce soit Jarry, Stéphane ou moi-même, on est assez généreux en parole, pour ne pas dire bavard, on est inventif et on aime bien rire. Avec Jarry ce n’est pas le même postulat parce que ça reste un humoriste avant toute chose, il tuerait père et mère pour un bon mot et donc je vais devoir composer avec un garçon tout en flamme et je pense aussi tout en sérieux. Il est profondément touché par la musique donc je pense qu’à des moments il sera ému et je vais pouvoir rebondir dessus, et lui de même quand je serais touchée. C’est différent d’avec Stéphane et j’attends impatiemment les trois émissions.EUROVISION 2016

 

Coulissesmedias : La chanson d’Amir, « J’ai cherché », vous a entièrement convaincu ?

Marianne James : Je suis entièrement convaincue, vraiment. Ce que j’aime dans cette chanson, c’est qu’il y a des ponts, on arrête la rythmique de la grosse batterie et on se met à chanter plus doucement, avec de belles harmonies, puis d’un coup ça revient. J’adore ça parce que je sais l’effet que ça peut faire sur le dancefloor suédois et ça va soulever le public par deux fois dans la chanson parce qu’il y a deux ponts. Ça c’est vachement bien.

 

« Dire au Français de l’étranger « Votez ! » »

 

Coulissesmedias : Gagner risque d’être compliqué, notamment du fait de la géopolitique qui est très présente dans ce concours, mais un top 10 est plus qu’envisageable ?

Marianne James : Pourquoi pas cette fois-là ? Il me semble même qu’il sera dans le top 5, j’en serais ravie. Premier je n’ose l’espérer, c’est dommage parce qu’il a le potentiel. S’il est second on va se ronger les poings parce qu’il y a des grosses communautés de Français en Espagne, au Portugal, au Luxembourg, en Belgique et en Suisse. Cinq fois 12 points ça fait déjà 60, c’est terminé la queue du classement et tu respires, après ça peut vite monter à 100, 120 points. C’est comme ça qu’on gagne, ça ne se fait pas d’un coup. Il faut appeler les étrangers à voter pour nous via les réseaux sociaux, ça sert à ça l’internet, il n’y a plus de frontières. Il faut dire aux Français de l’étranger « Votez ! ».

 

Coulissesmedias : Vous retrouvez Stéphane Bern pour la finale, vous vous attendez à la même ambiance qu’il y avait à Vienne l’année dernière ?

Marianne James : Tant que je ne suis pas à Stockholm je ne peux pas savoir. L’Autriche était tellement fière après cette sorte de gifle musicale qu’était Conchita Wurtz, qui est d’ailleurs ma chanson préférée jusqu’à maintenant de toute l’Eurovision. Au moment où il/elle (sic) était en train de l’interpréter, je votais sur mon téléphone comme une dingue, toutes les six secondes j’envoyais un SMS, et je disais à ma famille, on dirait vraiment la bande-originale d’un film de James Bond. Elle donne l’impression d’une musique éternelle, elle était super bien écrite et, vocalement, quand arrive le dernier refrain et que Conchita monte dans les aigus avec derrière les images qui s’enflamment, sa robe, le ventilo, la barbe, je me suis dit « Où on est ? ». Il n’y a qu’à l’Eurovision qu’on peut voir des choses comme ça. On est 200 millions de téléspectateurs à ce moment-là et comme dit souvent Stéphane, on ne parle pas de tir-au-but, on ne parle pas d’arbitre qui a sifflé ou pas sifflé, on ne parle pas d’un footballeur qui est allé avec des prostitués en boîte de nuit, on ne parle pas des quotas laitiers, on ne parle pas des quotas de migrants, on ne parle pas de la politique, des montées des extrêmes. On ne parle pas de Bruxelles pour l’Europe, on parle de musique et ça reste une fête. Quand on m’a demandé à France 2, j’ai dit mais bien sûr que je veux en faire partie. Ils pensaient que parce que je venais du classique, ça n’allait pas me brancher mais si. Je suis très fière que le titre d’Amir soit déjà un hit en France. Pour une fois, on part avec un titre que les Français connaissent.

 

« Il fallait faire évoluer les mentalités »

 

Coulissesmedias : La communication autour de la chanson n’a pas été la même que celle de l’année dernière. L’arrivée d’Edoardo Grassi à la tête de la délégation française y a été pour beaucoup ?

Marianne James : Bien sûr. Il fallait faire évoluer les mentalités ici et Edoardo a quelque chose de cosmopolite. Il parle réellement six langues, plus le français, ça en fait sept. c’était formidable de voir arriver cet Italien qui se bat pour des Français et qui peut aller dans tous les pays. Il sert la patte aux gens et c’est parti, il parle en espagnol, en portugais, en suédois, en anglais et en hébreu aussi.

 

Coulissesmedias : Il y a eu cette année en France une conception plus moderne de l’Eurovision par rapport à l’année dernière où la chanson était plus chargée en émotion ?

Marianne James : Elle était forte en émotion et bas tempo comme on dit, un tempo plutôt lent. Elle est passée en deuxième position dans la soirée, or ce genre de titre avec des tempos lents sont appréciés par les organisateurs de l’Eurovision parce que ça permet de rythmer la soirée. S’il y a 35 titres up tempo, tout se ressemble. Là il y avait l’Irlande avec une très jolie mélodie, très calme et la France qui avait aussi quelque chose de plus posé, avec une très grande et belle voix, mais pas en deuxième position. Dans une soirée avec des copains, si on veut un quart d’heure de slow, on va attendre, on ne va pas le mettre tout de suite parce que c’est fait pour reprendre son souffle. On était très mal placés et je trouve que la chanteuse allemande qui a eu deux points, on en a eu trois, elle avait le physique de Katy Perry, une chanson géniale et la voix d’Amy Winehouse, un peu cassée, blues. J’ai adoré ce titre mais elle a eu deux points parce que la France n’a pas voté pour l’Allemagne, que le Royaume-Uni a oublié de voter pour l’Allemagne, que les Lituaniens ils s’en foutent, ils votent pour la Russie, que les Suédois votent pour le nord et que le sud vote pour le sud. Quand on voit le bashing qui a été fait sur Lisa Angell, j’ai envie de dire « Qu’est-ce qu’il en est de l’Allemagne ? », le titre était up tempo, la fille est canon, la chanson est canon, la voix est juste sublime, elle aurait gagné tous les Talent Show en France, elle a eu deux points. Le problème, ce n’était pas Lisa, c’est qu’il se joue des choses et que les pays fondateurs oublient de voter les uns pour les autres. J’appelle les Français à voter pour les Belges, les Italiens, les Portugais, les Espagnols, etc pour avoir une chance que l’Eurovision se rapproche de chez nous.

 

« [Les Suédois] ont un an d’avance sur nous »

 

Coulissesmedias : La Suède est vraiment marquée par la culture Eurovision ?

Marianne James : Eux c’est carrément dans leur drapeau l’Eurovision. Quand l’Eurovision se termine, le lendemain ils sont déjà en train de travailler sur le nouveau titre. Ils ont un an d’avance sur nous. Ils s’y prennent un an à l’avance pour aller à l’Eurovision, c’est-à-dire que nous on a aujourd’hui un titre qui tourne depuis le mois de février en radio, le leur est à l’antenne depuis mai 2015. C’est déjà un tube dans tout le nord, il est en anglais donc tous les pays du nord le connaissent. C’est comme si Stromae y allait, tous les pays voteraient pour lui parce qu’il est connu. Là le Suédois va arriver, il est déjà connu, il a déjà sorti son album. Ils s’y préparent à l’avance mais ils ont toute une nation derrière, pas quelques énervés comme nous.

EUROVISION 2016

Coulissesmedias : nathaLa chanson d’Amir a une partie en anglais, cela peut être un plus ?

Marianne James : Évidemment, ce n’est pas un bémol, c’est un plus. Elle n’aurait été qu’en anglais, j’aurais un peu tiqué mais là je suis fière, je suis contente.

 

Coulissesmedias : Le fait d’avoir un titre en français, cela peut permettre de se différencier des autres pays qui composent pour la plupart en anglais ?

Marianne James : Ça fait une respiration. J’adorerais que la Lituanie chante un peut en lituanien, j’aimerais que la Turquie chante en turc mais ils chantent tous en anglais.

 

Coulissesmedias : Vous pensez qu’il serait possible d’imposer la langue nationale du pays dans chaque chanson ?

Marianne James : Il faudrait que ce soir écrit dans les statuts de l’Eurovision mais ce n’est pas le cas. Ah l’Eurovision c’est une énooorme (sic) mécanique, ce n’est  pas nous qui allons la changer d’un coup. Déjà on a obtenu que les pays fondateurs passent dans les demi-finales parce que ça leur donne une chance d’être entendu. L’année dernière, quand les gens ont du voter pour Lisa Angell, ils ne l’ont entendu que le samedi alors que les autres pays avaient chanté dans la semaine et toutes demi-finales sont diffusées dans tous les pays. Quand on connaît une chanson, on est content de la retrouver, alors que quand on la découvre, il faut faire l’effort de se dire ça me plaît ou ça ne me plaît pas. Là on a la chance d’avoir Amir qui passera dès le 10.

 

Coulissesmedias : Malgré tout, seul un extrait de sa chanson sera diffusé…

Marianne James : C’est une bande, il ne fera pas sa prestation en direct puisque c’est enregistré la veille.

 

« Il faut vivre ça de l’intérieur pour le comprendre »

 

Coulissesmedias : Vous auriez aimé qu’il fasse sa prestation en entier ?

Marianne James : J’aurais préféré qu’il fasse sa prestation en entier le 10 parce que sa chanson elle est de plus en plus sexy. On l’entend à la radio mais on oublie, on ne connaît pas le son de la salle. A Bercy, à côté, c’est un petit son. L’Eurovision c’est des moyens, c’est le show de Madonna. Il y a un mur de son et le moindre ukulélé, la moindre batterie on l’entend. La cabine où on est, on se demande pourquoi il y a une vitre devant nous parce qu’elle vibre. Sur la chanson du Suédois, nos fesses vibraient et avec Stéphane on se regardait et on se disait « Mais c’est moi où il y a toute la structure qui vibre ? », on se demandait même si ça allait être assez solide pour tenir. On avait le son dans les jambes et dans le ventre, c’est un énorme concert et y a 12 000 aficionados aux couleurs de l’Eurovision, très gay, gay de chez gay. Il y a moins de gay à la Gaypride qu’à l’Eurovision, ça c’est vrai et c’est formidable. Je suis hétéro mais j’adore. Il faut voir l’ambiance dans la rue et dès l’aéroport. Si on ramenait la coupe et que l’année prochaine ça soit en France, il faudrait envisager avec les pouvoirs publics que dès Roissy, dès le TGV, tout soit aux couleurs de l’Eurovision. Mais est-ce qu’on en est capable ? Est-ce qu’on aime assez l’Eurovision pour en faire un événement national ? En Autriche, quand on arrivait avec les voitures de la délégation, c’était tout juste s’il ne fallait pas faire le salut comme Lady Di. Dans la rue, tout le monde porte son drapeau, tu tombes dans les bras des gens et tu rencontres des personnes qui ne veulent que danser avec une banane énorme pendant une semaine. A part à Rio de Janeiro où c’est ça pendant le carnaval, ça n’arrive nulle part ailleurs et il faut vivre ça de l’intérieur pour le comprendre. La chef du divertissement de France 2, Nathalie André, quand elle a vécu ça l’année dernière, elle a dit « Ok d’accord, on n’avait pas mesuré l’ampleur de l’événement ». Mais moi non plus, il a fallu que j’aille là-bas pour comprendre parce que finalement l’écran c’est petit et on ne comprend pas toute la vie qu’il y a autour. On voit que cette année ça plaît parce qu’il y a beaucoup de journalistes qui nous accompagnent, qui se sont démerdés pour avoir une accréditation alors que l’année dernière on était une petite délégation. On vient de comprendre que ce sont les Jeux Olympiques de la chanson et que l’important c’est de participer. Je trouve qu’on a un beau champion et j’adore qu’il soit moyen oriental et Français parce que quand j’entends des histoires sur le fait qu’il soit d’Israël, pour moi il est aussi du Maghreb. Il est juif, arabe, Français et je trouve que c’est le bon visage de le France. Amir c’est une fenêtre ouverte, ce n’est pas une fenêtre fermée alors ceux qui grognent, c’est moyen, c’est très moyen. C’est très moche et on n’a pas besoin de ça, et puis chercher de la polémique partout et systématiquement, je trouve que c’est maladif donc je pense que c’est gens-là sont ulcérés, tout leur fait mal, respirer leur fait mal, vivre leur fait mal.

 

« TF1 voudra piquer l’Eurovision »

 

Coulissesmedias : Les Français voient encore l’Eurovision comme quelque chose de ringard. C’est quelque chose qu’il faudrait arriver à changer si l’organisation nous revenait ?

Marianne James : Il faut savoir une chose, c’est que les mentalités ça change lentement et ça c’est mon âge qui vous le dit. A 22 ans je pensais qu’on pouvait changer les mentalités en mettant un grand coup de tête, maintenant, à 54 ans, je ne pense pas que le choses avancent comme ça. Je pense qu’il faut vraiment porter la bonne parole et je reconnais que si on n’était plus avant-derniers et qu’on commençait à être troisièmes, qu’on était à un rien de l’avoir, pour la séance 2017 les gens seraient plus intéressés. En 1998, plus la France gagnait en foot, plus les gens étaient derrière la télévision. La France n’aurait pas gagné, il y aurait eu moins de téléspectateurs mais au moment où la France est arrivée en quarts de finale, on avait du mal à trouver des drapeaux bleus-blancs-rouges donc on en a réimprimé. On n’avait jamais vu ça en France et quand on a su qu’on était en finale, on a du faire imprimer des drapeaux dans d’autres pays. Plus on va vers la victoire, plus il y a des gens à nos côtés, mais, pour l’instant, on n’est pas encore assez nombreux. Plus on sera haut, plus on va donner envie aux suiveurs parce que les peuples sont comme ça, ils suivent. C’est difficile de faire la révolution, ça ne marche pas toujours donc il faut être confiant et patient. France 2 y met les moyens et c’est comme ça que ça va changer. L’image va tellement changer qu’un jour, c’est un scoop que je donne, TF1 voudra piquer l’Eurovision. C’est-à-dire qu’un jour, TF1, parce que ça cartonnera tellement sur France 2 et que les Français seront tellement derrière, s’approchera du Comité de l’Eurovision pour faire une proposition. Je prends le pari. Pour l’instant ils n’ont pas compris mais, un jour, ça sera tellement bandant (sic) et ça rapportera tellement de pognon qu’ils voudront être dessus. C’est géopolitique.

 

Coulissesmedias : Dans les chansons concurrentes, il y en a une qui vous plaît particulièrement ?

Marianne James : Je n’ai pas tout entendu parce que je n’ai reçu qu’un tiers des chansons mais, dans ce tiers-là, on a du souci à se faire parce que le niveau est élevé. Le Russe est très très très haut. Poutine ne décolère pas d’avoir été second l’année dernière donc la Russie a mis le niveau.

 

Propos recueillis par Antoine Rogissard.