Laurence Pieau: «C’est moins ‘politically correct’ d’assigner le Point, l’Express ou le Nouvel Obs alors que les atteintes à la vie privée sont autrement plus importantes dans cette presse que chez nous»

Closer, leader de la presse people en France, vient de lancer Closer Teen destiné aux 11-14 ans. Closer Teen ressemble à s’y méprendre aux feus Salut, Ok Podium et autres magazines pour adolescents des années 90.

Closer Teen

Closer Teen

Les recettes n’ont pas changé: paroles de chansons à découper et posters géants à collectionner. Bien sûr, les icônes ont changé, Hélène a laissé sa place à Tal et les 2Be3 aux One Direction. Dans un contexte extrêmement difficile pour la presse et avec un marché publicitaire au plus bas, il fallait être très courageux ou complètement kamikaze pour lancer un nouveau magazine. Très perplexe, Coulissesmédias a rencontré la directrice de la rédaction Laurence Pieau, l’occasion aussi de dresser un bilan sur la presse people…

Laurence Pieau

Laurence Pieau

Coulissesmédias : Vous lancez un titre sur une cible jeune, le papier est-il pertinent pour parler à la jeune génération ? Qu’allez-vous mettre en place, à côté du support papier pour exister sur les autres médias et notamment les réseaux sociaux ?

Laurence Pieau : L’idée de Closer Teen est de travailler la marque Closer. On est dans une stratégie de déclinaison de marque et, justement, à travers un magazine papier, on peut créer et fédérer une communauté sur Facebook et Twitter. Ces relais vont permettre de faire gagner des places de concert, de mettre en place des jeux concours ou d’avoir des vidéos de coulisses quand une star vient à Paris. La génération visée par Teen est très active, très présente sur les réseaux sociaux et on se doit évidemment d’y être présent.

Coulissesmédias : Comment est composée la rédaction de Teen ? Avez-vous prévu une équipe spéciale dédiée à ce nouveau titre ?

Laurence Pieau : Non, l’équipe est la même que pour Closer. On s’est dit que le moment était opportun parce que le marché des 11-14 ans est très cyclique. Or, nous avons le sentiment qu’un nouveau cycle est en train d’arriver avec l’émergence de nouveaux groupes comme les One direction. Il y a aussi toute une jeune génération de chanteurs français qui émerge très fortement comme Tal ou Shy’m. L’expertise que nous avons à Closer sur le segment people nous donne une légitimité pour repérer les nouveaux groupes et les nouveaux phénomènes qui peuvent apparaître car la rédaction est constamment en éveil. Bien sûr, ce qui intéresse une cible 11-14 ans n’est pas la même chose que ce qui intéresse le cœur de cible de Closer (15-49 ans). Donc oui, Teen est un produit de la rédaction de Closer.

Closer Teen - Page

Closer Teen – Page

Coulissesmédias : Le but pour Teen est-il de prendre des parts de marché à Oops et Public qui sont plus jeunes que Closer en structures d’âge ?

Laurence Pieau : Non, le but premier est de diversifier la marque Closer. Nous sommes vraiment sur une « stratégie de stretching » avec une exploitation globale de la marque Closer sur le web, le print et surtout une stratégie de maillage pour toucher des cibles complémentaires. On a aujourd’hui 3 produits phares : Le Closer Teen qui touche les 11-15 ans, le Closer hebdo sur les 15-49 ans et le Closer C’est leur histoire qui touche la cible du Closer hebdo et même au-delà. La marque Closer n’a jamais été aussi puissante. Nous sommes toujours leader des magazines people en France avec près de 370 000 exemplaires par semaine. Nous avons plus de 3 millions de téléchargement sur l’application mobile. Même en 2007 lorsque nous étions sur des niveaux de diffusion extraordinaires, la marque Closer était moins puissante. Aujourd’hui, l’audience globale de Closer sur tous supports est énorme.

Coulissesmédias : Le magazine est vendu à 3.50 €. N’est-ce pas trop cher pour cette cible ?

Laurence Pieau : C’est en ligne avec nos concurrents tels que Star-Club, Fan 2 ou Dream up. C’est une presse qui est effectivement assez chère mais cela s’explique par la qualité du papier qui est très beau. Les incontournables de cette presse comme les posters et les fiches chansons représentent un prix de fabrication important.

 

Closer Teen - Nouveau magazine

Closer Teen – Nouveau magazine

Coulissesmédias : La diffusion des magazines people connaît une baisse continue depuis 4 ans. Quand vous voyez des Unes comme celles du Nouvelle Obs avec le livre Marcela Iacub (NDLR : Belle et Bête aux éditions Stock) sur DSK, comment réagissez-vous ?

Laurence Pieau : On a eu en 2007 et 2008, des années extraordinaires pour la presse people avec le départ de Cécilia, l’arrivée de Carla et un Président qui parle ouvertement de sa vie privée. Et puis, effectivement, la presse news qui a besoin de vendre comme tout le monde s’est mise à faire des Unes sur des histoires qui relèvent du vaudeville. Dans ces années là, tout le monde s’est jeté sur ce créneau et on a tous connu des niveaux de diffusion extraordinaires. Depuis cette époque, un grand tournant a été pris par la presse News. Il y a eu un deuxième tournant avec l’affaire DSK où toutes les lignes sont tombées et où il fallait lire le Point pour avoir des choses que nous n’aurions pas pu écrire dans la presse people. C’est dans le Point que l’on décrit en détails un rapport sexuel de domination. C’est dans le Nouvel Obs où on parle de traces de sperme sur la moquette du Sofitel. Ces journaux vont très loin alors qu’ils sont moins assignés que nous. C’est moins « politically correct» d’assigner le Point, l’Express ou le Nouvel Obs alors que les atteintes à la vie privée sont autrement plus importantes dans cette presse que chez nous. Effectivement, quand je vois le Nouvel Obs reprendre les bonnes feuilles du livre de Marcela Iacub sur DSK et quand je lis cette phrase attribuée à Anne Sinclair par la maîtresse de DSK, je ne pense pas que c’est quelque chose que l’on aurait pu écrire. (NDLR : Selon Marcela Iacub, Anne Sinclair aurait été l’auteur d’une phrase terrible à propos de l’affaire du Sofitel : « Il n’y a aucun mal à se faire sucer par une femme de ménage.« )

Laurence Pieau directrice de la rédaction

Laurence Pieau directrice de la rédaction

Coulissesmédias : Est-ce à dire que les titres de la presse News sont vos nouveaux concurrents ?

Laurence Pieau : Oui, clairement. La concurrence vient aujourd’hui aussi de ces magazines. Juste avant les présidentielles, Closer a été le premier à faire une Une sur la jalousie entre Valérie Trierweiler et Ségolène Royal. Un mois après l’élection, l’Express et l’Obs faisaient leurs couvertures sur la jalousie avec le portrait serré de Valérie Trierweiler et Ségolène Royal qui se regardaient. C’était quasiment la même Une que Closer trois mois avant ! Donc c’est vrai qu’aujourd’hui parler de la presse people d’un côté et de la presse généraliste et sérieuse de l’autre n’a plus grand sens. On avait l’habitude de recevoir beaucoup de leçons en presse people, on en reçoit moins maintenant.

Propos recueillis par Frédéric Charpentier.

Photos: DR/Closer.