Jacques Vendroux : « La radio, c’est mon ADN »

C’est sans doute la plus grande voix du foot à la radio! Jacques Vendroux a lancé le célèbre multiplex de football en 1972 avant de devenir une voix mythique de Radio France. Partagé entre la direction des sports du groupe et le micro de France Info, le journaliste a accepté d’être notre invité. Il nous parle de sa carrière avec humilité mais aussi de radio et de foot… en toute liberté !

Jacques VENDROUX ©Marc Duzant VCF

Jacques VENDROUX ©Marc Duzant VCF

Coulissesmédias : Vous êtes d’accord si je débute cet entretien en disant que vous êtes un monument ?

Jacques Vendroux : Très honnêtement je ne sais pas si c’est la réalité mais en tout cas, je ne m’en rends pas compte et je m’éclate même si je fais ce métier depuis presque 48 ans. Je n’ai pas la pression, je n’ai jamais vécu avec ça. Je rêvais d’être le meilleur gardien de but, et puis, je voulais devenir Thierry Roland… J’ai fait ce métier vraiment sérieusement mais sans me prendre au sérieux, je crois que c’est le truc le plus important. Évidemment, on me dit « monument », « ancien », « une voix que tout le monde connaît »… C’est sans doute vrai mais je ne vis pas avec ça et j’essaie d’être le même tout le temps.

Coulissesmédias : Vous avez toujours la même passion, la même fougue malgré toutes les évolutions ?

Jacques Vendroux : Ce que les gens ne veulent pas comprendre c’est que le foot évolue en fonction de la société. C’est elle qui a changé, pas le football.

Coulissesmédias : Vous considérez-vous comme quelqu’un qui a eu de la chance ?

Jacques Vendroux : Je me suis vite aperçu que je n’étais pas fait pour les études et je pense que je suis très chanceux… Mon père faisait de la politique, il était à l’époque chef de cabinet du ministre des sports Maurice Herzog, ministre du Général De Gaulle, mon grand père, il est député maire de Calais et la sœur de mon grand-père, c’est Yvonne Vendroux qui est devenu Yvonne De Gaulle donc je suis rentré par piston. En 66, j’ai été embauché en un quart d’heure. Mon père venait de me donner une clé et c’était à moi de la tourner dans le bon sens. Je n’ai pas eu le cursus de tous les journalistes de maintenant, ni ceux d’avant. Mais j’assume parce que si je vous dis que je suis rentré grâce à mon travail, personne ne va le croire parce que ce n’est pas la vérité… Après, de par mon nom, il est vrai que je devais faire plus que les autres. Mon fils fait ce métier, il s’appelle Baptiste. Il a travaillé à Infosport et maintenant à BeInSport. Je ne l’ai pas du tout aidé à BeInSport. Il a envoyé un CV et a été pris. Mais lui, il est obligé d’en faire plus que les autres à cause de mon nom. Je lui ai expliqué et il le sait. J’ai beaucoup de  chance : je fais ce métier qui était mon rêve. Je me suis sorti miraculeusement de Furiani. J’étais tout en haut de la tribune, tous les mecs qui étaient à ma droite, et à ma gauche sont morts, moi j’ai pu refaire mon métier donc je suis hyper chanceux. Il y a 10 ans je traverse la route, il y a un polonais avec une Volvo qui m’éclate, je retourne à l’hôpital, je m’en sors… Mon métier c’est ma passion, c’est ma vie.

Coulissesmédias : Bizarrement, vous n’êtes qu’un homme de radio. Pourquoi ?

Jacques Vendroux : La télé, ce n’est pas mon truc. Je suis allé sur Canal+ il y a quelques années après avoir été sollicité par Charles Biétry mais au bout de deux mois je lui ai dit que je souhaitais arrêter. Mon ADN, c’est la radio. Avec un portable, je peux faire de la radio… Il y a un drame, je prends mon portable, je fais le numéro de France Info, je suis en direct 15 secondes après… A la télé, vous ne pouvez pas. Moi, j’assume et curieusement mes dernières années sont encore plus agréables que mes débuts.

Jacques VENDROUX ©Radio France/Christophe Abramowitz

"Mes dernières années sont encore plus agréables que mes débuts" Jacques VENDROUX ©Radio France/Christophe Abramowitz

Coulissesmédias : Quel est l’avantage de la radio ?

Jacques Vendroux : A la radio, il faut faire rêver et faire croire. Vous devez attraper votre auditeur et ne pas le lâcher, donc vous l’agressez, surtout vous demandez qu’il ne vous laisse pas tomber donc vous devez être à la fois convaincant et un peu marrant. Quand c’est l’équipe de France, il faut être pour les Bleus parce que c’est ce que l’auditeur attend. Quant à la neutralité pour les matchs de championnat, même en ligue des Champions, vous avez un petit côté franchouillard, là aussi ça fait partie de ma culture.

Coulissesmédias : Comment expliquez-vous ces liens très forts entre foot et radio ?

Jacques Vendroux : La radio est l’ADN de tout le monde. Vous écoutez la radio à un moment ou à un autre dans la voiture, sur le portable… Elle fait partie de l’équilibre des français, c’est une culture. On l’écoute le matin, le soir dans sa voiture, éventuellement dans un taxi, en réunion si on se fait chier. C’est est un moyen de communication extraordinaire qui fait toujours rêver. Et puis, contrairement à la télévision, la radio garde une part de mystère, on imagine l’animateur ou le journaliste. On entretient le mystère et moi, ça me convient très bien.

Coulissesmédias : Avec l’explosion de tous les nouveaux supports, ce n’est pas ringard d’écouter un match de foot à la radio ?

Jacques Vendroux : Qui fait les matchs en direct ? A la télé, personne. Le multiplex, il est actuellement sur BeInSport. Ils n’ont que 500 000 abonnés pour le moment. Même Canal au temps de sa splendeur, ne nous a pas piqué un auditeur. Le type qui aime le foot, soit il va au stade avec son transistor pour écouter les autres résultats, soit il est chez lui, il écoute la radio et il rêve en attendant « Jour de foot » çà 23h pour savoir si c’est tout à fait ça.

Coulissesmédias : La télé propose également du direct…

Jacques Vendroux : Ils le sont mais par le biais d’un abonnement payant. La radio est gratuite ! Désormais, avec les moyens sophistiqués, il vous suffit d’un petit portable pour écouter n’importe quelle chaîne de radio ou d’avoir l’application d’une radio sur l’Iphone. C’est donc à la portée de tout le monde. Nous avons une énorme responsabilité à Radio France parce que nous sommes les premiers à avoir créé le multiplex en 1972. ça s’appelait « Inter Football ». Pendant 4 ans, nous étions les seuls sur le marché. Ensuite, tout le monde nous a imités mais pendant 4 ans, nous les avons apprivoisés. Nous avons ouvert la voie.

 Coulissesmédias : Et pourquoi ce « transfert » sur France Info depuis 2009 ?

Jacques Vendroux : Il faut savoir que le directeur de France Inter de l’époque voulait arrêter le multiplex et nous mettre sur le Net. Un sacrilège. Quand j’ai senti que le vent tournait, j’ai proposé le foot à France Info qui a accepté mais dans sa propre configuration que l’on connaît tous.  Si par exemple, une actualité chaude intervient, on arrête le multiplex et France Info reprend ses droits.

Coulissesmédias : Ça ne vous a pas gêné… 

Jacques Vendroux : Ça n’est quasiment jamais arrivé. Je ne m’en souviens pas.

Coulissesmédias : C’est donc une seconde vie sur France Info ?

Jacques Vendroux : C’est une nouvelle vie pour tout le monde. Pour les envoyés spéciaux et les journalistes nommés aux sports. Je me suis battu pour la réunification des deux services, Inter et Info, tout en gardant chacun notre indépendance. Tout le monde travaille pour tout le monde. Le mec qui est basé administrativement à Inter, il travaille à 50% pour Info.

Coulissesmédias : C’est un succès d’audience sur France Info ?

Jacques Vendroux : Philippe Chaffanjon, mon directeur de l’époque, me disait que les chiffres n’avaient jamais été aussi hauts. On fait entre 800 000 et 1 000 000 d’auditeurs.

Coulissesmédias : Comment expliquez-vous cette réussite ?

Jacques Vendroux : Par le traitement que nous faisons. Je crois que l’auditeur et le passionné de football veulent simplement savoir l’essentiel : le buteur, le penalty, s’il y a une connerie de faite par l’arbitre ou une embrouille. Il faut faire de l’information de proximité.

Coulissesmédias : On parle encore beaucoup de foot à la radio avec des commentaires de matchs mais aussi avec beaucoup de rendez-vous un peu plus axés sur la polémique où l’on retrouve souvent des journalistes prestigieux. Est-ce qu’on en fait trop ?

Jacques Vendroux : Toutes les émissions que j’entends avant ou après le match, c’est trop compliqué ! Je respecte le travail de certains confrères sur RMC notamment mais ce n’est pas ma culture. Il y a forcément une part de vérité chez eux puisqu’il y a des gens qui écoutent. Mais ce n’est pas mon truc.

Coulissesmédias : La présence de spécialistes dans ces émissions ne vous incite pas à les écouter ?

Jacques Vendroux : Je n’ai pas besoin des spécialistes. J’ai mes spécialistes, j’ai mes commentateurs et je leur fais confiance.

Jacques VENDROUX      ©Radio France/Christophe Abramowitz

"Même Canal au temps de sa splendeur, ne nous a pas piqué un auditeur" Jacques VENDROUX ©Radio France/Christophe Abramowitz

« A Radio France, je suis chez moi. C’est plus ma culture. Mes racines sont là et pas ailleurs »

Coulissesmédias : Finalement, la polémique, le débat… Pas pour vous ?

Jacques Vendroux : Jamais. J’écoute de temps en temps RMC si un truc m’a échappé pendant mon émission, si une information est sur le point de sortir pour pas qu’on prenne de retard… Je vais écouter Larqué parce que c’est mon ami d’enfance et le parrain de ma fille ou pour le chambrer pas SMS mais ça reste un jeu.

Coulissesmédias : On aurait pu vous imaginer sur RMC ?

Jacques Vendroux : Absolument pas. J’ai eu la possibilité d’aller sur Europe 1 et sur RTL, à deux reprises. Ils me proposaient beaucoup d’argent, j’ai toujours refusé. Parce qu’à Radio France, je suis chez moi. C’est plus ma culture. Mes racines sont là et pas ailleurs.

Je n’avais aucune raison d’accepter. A Radio France, tous les présidents qui se sont succédés m’ont fait confiance. Il y en a qui m’aimaient, d’autres moins. Et depuis quelques années, je trouvais qu’il fallait donner un coup de jeune au multiplex. La seule solution c’était France Info. Ils ont hésité avant d’accepter l’idée. Je tiens d’ailleurs à remercier à Patrick Roger qui est maintenant patron de la rédaction à Europe 1 et surtout  Francis Tyskiewicz qui était notre patron et qui malheureusement est décédé et grâce aussi à Jean- Luc Hees l’a acté très vite.

Coulissesmédias : Quelle relation entretenez-vous avec les journalistes qui sont sur le terrain ?

Jacques Vendroux : C’est très curieux. Je suis à la fois leur patron, leur grand frère ou le mec qu’ils appellent quand ils sont dans la merde mais je n’ai jamais été déçu parce que je les ai choisis donc je savais comment ils étaient… J’ai des journalistes de talent, d’autres un peu plus caractériels, des journalistes marrants. J’ai surtout des mecs fidèles et entiers.

Coulissesmédias : Vous avez beaucoup d’amis dans le milieu ?

Jacques Vendroux : Oui, je suis très copain avec François Pesenti de RMC. Je suis surtout copain avec des mecs de la télé, de BeInSport, d’Infosport ou de Canal. J’ai toujours fait mon métier en mon âme et conscience et je comprends que beaucoup ne soient pas d’accord avec moi mais je m’en fous, ça ne me touche pas. Évidemment, je suis conscient qu’après le départ de Thierry Roland, il n’en reste pas beaucoup. Pour tout vous dire, je n’ai pas eu une bonne année. J’ai été très affecté par la mort de Francis Tyskiewicz qui était un mec de radio extraordinaire et mon ami. Je me suis éclaté  avec lui. Il  était du nord comme moi… On a bien travaillé ensemble. Quand vous vous prenez ça sur la tête et après Thierry… Vous relativisez beaucoup.

"Je respecte le travail de certains confrères sur RMC notamment mais ce n'est pas ma culture" Jacques VENDROUX avec Julien BRIGOT  ©Radio France/Christophe Abramowitz

"Je respecte le travail de certains confrères sur RMC notamment mais ce n'est pas ma culture" Jacques VENDROUX avec Julien BRIGOT ©Radio France/Christophe Abramowitz

« Je continue à apprendre tous les jours »

Coulissesmédias : Votre regard sur ces anciens footballeurs devenus consultants ?

Jacques Vendroux : Il n’est pas indispensable de prendre systématiquement une star. Nous, on a pris lors de ces 20 dernières années Alain Giresse, Marius Trésor, Michel Platini, Laurent Roussey, Dominique Bathenay, Claude Puel, en ce moment… Ils sont excellents. Je les connais bien grâce aux vestiaires du Variétés Club de France. Je pense que les joueurs de maintenant, qui ont arrêté il y a cinq ou six ans sont plus cultivés. Dugarry, c’est un régal, Rouiller, c’est un régal, Sauzée, j’aime beaucoup. Ils parlent, ils disent des choses. Lizarazu, pour moi c’est le meilleur. Je suis très étonné par Di Meco, il est vraiment bon. Le vendredi soir, Info et Infosport + ont un partenariat on participe à un débat de 19h à 20h. J’ai fait un débat avec Reynald Pedros et un certain Romarin Billong, ancien joueur de Lyon et de Saint Étienne, un black camerounais, 60 sélections en équipe du Cameroun… C’est un livre ! Et puis, j’aime bien un mec comme Savidan, très nature. Le meilleur consultant que j’ai eu de toute l’histoire de la radio, à mon niveau, le meilleur des meilleurs c’est Béco, ancien avant centre de Nantes, le plus drôle, taillant, et objectif. Puel, techniquement est très fort. Un mec comme Claude Puel, il arrive au stade avec son petit cahier d’écolier et avec ses notes, il a découpé la composition des équipes, avec des flèches en haut, en bas etc… Je n’ai jamais vu ça.

Coulissesmédias : Tous les journalistes sportifs vous sont redevables ?

Jacques Vendroux : Je ne l’ai pas fait pour ça. Je pense que j’ai besoin d’eux aussi. Je leur ai appris modestement les bases. Mais plus vous avancez dans la vie, plus les jeunes vous font du bien. Ils vous respectent et ils savent dire « Jacques, ne le fais pas comme ça, fais le comme ça, tu verras ça passera mieux ». Je continue à apprendre tous les jours.

Coulissesmédias : Comment vous est venue l’idée d’un multiplex ?

Jacques Vendroux : C’est un gag. Dans la vie, il faut faire des truc qui sortent de l’ordinaire. Moi j’ai plusieurs exemples. Le premier c’est le multiplex :  j’allais sans arrêt à Saint Étienne qui était un peu l’équipe à la mode dans les années 71 – 72. Je me suis adressé au président en lui proposant l’idée du multiplex. Imaginez : les dix matchs sur une chaîne de radio. Il m’a tout de suite répondu « Mais c’est génial, c ‘est extraordinaire ».  Il est monté à Paris et après une concertation avec le président de la ligue professionnelle, j’ai obtenu un accord très rapide. Deuxième exemple, quand je crée le Variétés Club de France en 71, c’est pour jouer le mardi soir, tranquille et puis je fais venir, un ancien pro, deux anciens pros… Et ça ne s’est pas arrêté depuis 42 ans.

Coulissesmédias : Que vous disent auditeurs quand ils vous croisent ?

Jacques Vendroux : Beaucoup me disent que lorsque je présente le multiplex, ils ont l’impression que je suis mon premier auditeur, que je veux savoir le résultat pour moi…  Et ils ont raison. Je suis mon premier auditeur donc j’ai la même impatience.

Coulissesmédias : A quelle heure vous coupez tout ?

Jacques Vendroux : Je ne coupe jamais. C’est l’ADN qui veut ça… Vous vous rendez compte que j’ai réalisé mon rêve ?  J’ai joué comme gardien de but au Variété Club de France pendant 20 ans avec les plus grands joueurs. J’étais le plus mauvais gardien du monde qui a joué avec les meilleurs joueurs du monde ! Il y a un truc qui ne vas pas, c’est de l’escroquerie !

Coulissesmédias : Vous aimeriez un jubilé ?

Jacques Vendroux : Non, il n’y a aucune raison.  On va peut-être me demander d’arrêter aussi. Je serais vexé sur le coup. Ça fait 48 ans que je fais ce métier donc un moment ou à un autre, il faudra bien qu’on me remplace. Moi, je ne lâche rien dans ma vie professionnelle ou privée.

Coulissesmédias : Quand vous regardez dans le rétro, quel est votre meilleur souvenir ?

Jacques Vendroux : Des merveilleux souvenirs de Saint-Étienne avec Larqué, de Marseille avec Papin, de Bordeaux avec Giresse, la coupe du monde 98… Je garde un souvenir extraordinaire des JO de pékin, de la Coupe du monde au Mexique… Les cinq dernières minutes au micro de France 98 et en partageant ce moment avec nos consultants. Un incroyable souvenir d’autant que nous étions les seule radio au monde à avoir créé une radio spécialement pour la Coupe du monde qui s’appelait « Radio France 98 » et dont le patron était Jean-Luc Hees qui venait tous les soirs animer une émission. Tout le monde à apporté sa pierre à l’édifice.

Coulissesmédias : Avec le talent que l’on vous connaît et votre expertise, quel est le premier conseil que vous donneriez à un jeune journaliste ?

Jacques Vendroux : Pour la nouvelle génération, ce n’est plus pareil qu’avant. On côtoyait les joueurs, on rentrait dans les vestiaires, on mangeait avec eux. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus dur pour un jeune journaliste, c’est une galère pour avoir une interview ou pour entrer dans les stades. Il ne faut pas se prendre au sérieux, le faire naturellement. Et ne surtout pas essayer d’imiter les autres mais être soi même.

Retrouvez Jacques Vendroux sur France Info:

– avec le multiplex de ligue 1 le samedi soir et les soirées ligue 2

– et un samedi par mois dans « Foot amateur » dès 19h55.

Interview de Jean-Laurent Pélissier et Mickaël Roix