Gilles Camouilly : « La seule chose qu’on sait, c’est qu’on n’est pas éternel »

En marge de la conférence de presse de rentrée de France Ô, coulissesmedias.com a rencontré Gilles Camouilly, directeur d’antenne de la chaîne. Entre bilan de la saison passée, avenir de la chaîne et personnel et état d’esprit de la « fratrie » de France Ô, c’est une interview en toute liberté que nous avons mené, à l’image de la petite chaîne du groupe France Télévisions.

france O 2015

Coulissesmédias : Quel bilan tirez-vous de la saison écoulée sur France Ô ?

Gilles Camouilly : C’est un bilan globalement positif puisque nous avions deux enjeux qui étaient de garder nos fondamentaux qui sont les trois piliers éditoriaux de la chaîne : l’outre-mer, le métissage des cultures et l’ouverture sur le monde, et arriver à créer et innover sur ces trois piliers-là donc c’est positif parce que je pense qu’on y est arrivé. Et le deuxième enjeu, c’est que pour la première fois nous étions avec une pige Médiamétrie, donc pour la première fois nous avions une mesure d’audience et on est sur une trajectoire qui est positive, qui est lente mais qui est positive au début de l’étén, on a réussi à faire 1,2 de PDA sur les 4+ sur la chaîne, ce qui est la première fois pour cette antenne.

« Il faut qu’on défende nos valeurs »

Coulissesmédias : Pour la prochaine saison, le but est de continuer de grandir ?

Gilles Camouilly : Pour la prochaine saison, il y a plusieurs enjeux assez importants, oui il faut grandir, il faut qu’on accélère notre notoriété, il faut qu’on défende nos valeurs, c’est important parce que ce sont des valeurs qui sont, à mon avis, assez fondamentales aujourd’hui dans cette société qui se pose tellement de questions sur les coexistences entre les différentes communautés, sur les notions d’identité, etc… Nous on essaie modestement sur cette antenne de montrer que ce sont des débats qui sont peut-être trop sacralisés et qu’on vit assez naturellement tous ensemble et qu’on est capable de le faire. On essaie de le montrer avec nos programmes.

Coulissesmédias : Quelles seront les grandes nouveautés de la rentrée sur France Ô ?
Gilles Camouilly : Il y en a six. Il y a un nouveau magazine qui s’appelle « Flash Talk », qui est un débat citoyen, on est dans ce décor-là actuellement. Cela consiste à associer des principes de Flash Mob avec un débat de société. On a fait un pilote à la cour Carrée de Châtelet-Les Halles qui est quand même la gare la plus passante de France et on a organisé un débat sauvage en appelant les gens via les réseaux sociaux. La deuxième nouveauté, c’est la saison 3 de « Cut » qui a de nouveaux invités, donc il y a Shirley Souagnon qui vient jouer, Babette de Rozières est venu jouer, vous avez Icare qui est venu jouer dans la série, tout ça toujours autour d’Ambroise Michel. Il y aussi la saison 2 de « Music Explorer », cette émission un peu hybride entre le documentaire et le concours de talent qui consiste à envoyer quatre coaches, Icare, Marco Prince, Kenza Farah et Tété, dans quatre pays francophones différents pour aller chercher des nouveaux talents. Pour cette deuxième saison, on est allé en République Dominicaine du Congo, on est allé à la Nouvelle-Orléans, à Istanbul et puis on est allé sur l’île de la Réunion. Nous avons des nouvelles séries très emblématiques le samedi soir, avec la soirée « Série Mix » et là on s’est intéressé beaucoup aux pirates qui ont sévi dans les zones caraibéennes et de l’Océan Indien. On a deux séries inédites, « Cross Bornes », avec John Malkovich et également « Black Sails » qui est une série produite par la société Stars, aux Etats-Unis. On a aussi une autre série inédite mais qui n’est pas dans l’univers de l’aventure, qui s’appelle « Book of the negros » avec Cuba Gooding Jr. qui relate une période de l’esclavage aux Etats-Unis. Et puis le gros événement qu’on a cette année c’est climat 2015, ce qu’on appelle COP 21 avec une offre de documentaires très importante, très majoritairement tournés en outre-mer, qui vivent aujourd’hui déjà les désordres climatiques et où la population est obligée de s’adapter et de trouver des solutions qui parfois sont des solutions universelles. On s’est intéressé beaucoup aux océans dans le cadre de climat 2015 et s’est une très grosse offre que nous proposons à la rentrée. Après, un clin d’œil à ma copine Babette (de Rozières, ndlr) qui vient de descendre de l’avion et qui a tourné avec nous son expérience en immersion à New-York où elle était chargée de faire le dîner de gala des 70 ans de l’ONU qui est quand même un truc exceptionnel. Comme elle le disait elle-même, pour la première fois, c’est une Française, par ailleurs venue d’outre-mer, qui pilotait ce dîner de fin d’année pour l’ONU. Donc, c’est une expérience en immersion qui a été filmée totalement, depuis les préparatifs au marché de Rungis jusqu’au dîner de gala dans lequel elle a officié.

Coulissesmédias : Lors de cette conférence il y avait une très bonne ambiance, c’est une grande famille France Ô ?

Gilles Camouilly : Oui, c’est une symbolique à laquelle je tiens tout particulièrement. Il y a une vraie fratrie, une vraie bienveillance entre l’équipe de l’antenne et les animateurs, il n’y en a pas un qui domine les autres et il y a effectivement la volonté de montrer qu’on peut vivre dans une société qui est difficile mais qu’on peut vivre de manière très belle, avec le sourire, quelles que soient nos origines culturelles. Il faut qu’on continue à en faire la démonstration, c’est important qu’un média puisse en faire la démonstration aujourd’hui.

« On nous laisse le temps d’être un laboratoire audiovisuel »

Coulissesmédias : Une force de la chaîne est aussi de cibler des publics moins concernés par d’autres chaînes ?

Gilles Camouilly : La force de cette chaîne, c’est surtout d’avoir le temps d’innover et effectivement de trouver des nouveaux publics parce que c’est une mission de service public et qu’on nous laisse le temps d’être un laboratoire audiovisuel, ce qui donne la parole et permet la représentation de personnes qu’on ne voit pas forcément d’habitude. C’est une force pour le groupe France Télévisions je pense.

Coulissesmédias : Bruno Patino a dit que France Ô était « la petite chaîne de France Télévisions mais que comme toute petite chose il faut la chérir », vous êtes d’accord avec ça ?

Gilles Camouilly : Ah ben oui (rires) ! Puisque je la pilote, forcément que je suis d’accord avec ça.

Coulissesmédias : Justement, vous « pilotez » France Ô depuis quatre ans, vous vous voyez continuer longtemps à ce poste ?

Gilles Camouilly : Je n’en sais rien, ce n’est pas moi qui décide. Je prends beaucoup de plaisir à le faire mais la décision ne m’appartient pas. Vous savez, quand on est patron d’antenne on est un peu comme le coach d’une équipe de foot, la seule chose qu’on sait, c’est qu’on n’est pas éternel.

Gilles Camouilly

Coulissesmédias : Samira Ibrahim (présentatrice d’« Investigation ») a fait un petit appel du pied pour que vous deveniez animateur, c’est quelque chose que vous envisagez ?

Gilles Camouilly : Non pas du tout. Pour tout vous dire, j’aime bien animer des conférences ou des colloques mais quand il y a une caméra, je suis déjà beaucoup moins à l’aise donc je crois que je ne suis pas forcément très doué pour ça.

« Nos animateurs sont des sentinelles, des capteurs »

Coulissesmédias : Il y a eu une blague en fil rouge de cette conférence, avec les miles rapportés par les animateurs de la chaîne. Vos équipes voyagent vraiment à travers le monde ?

Gilles Camouilly : Nos animateurs oui et c’est important parce que ce sont des sentinelles, ce sont des capteurs et donc ils vont chercher les mouvements, les évolutions culturelles un petit peu partout. Là, Laurent Bignolas revenait du Sénégal, Icare revenait de l’Île de La Réunion, il doit y repartir pour jouer dans « Cut », Ambroise Michel revenait également de La Réunion, Babeth (De Rozières, ndlr) arrivait de New York après son dîner. C’est surtout qu’ils voyagent, alors ils ne font pas forcément des miles, c’était une blague, mais c’est important que nos incarnations soient les représentants et les sentinelles de ce que nous défendons.

Coulissesmédias : Vous avez envie de donner leur chance à des gens qui ne sont pas forcément connus du grand public ?

Gilles Camouilly : On le fait notamment avec les concours de talents, le jury est connu du grand public mais pas ceux qui font les performances à l’antenne, ce sont tous des inconnus. Après, pour faire connaître un programme, c’est plus difficile de faire venir des animateurs et des présentateurs qu’on ne connaît pas mais on l’a également fait. Tiga, il y a quatre ans, peu de gens la connaissaient en termes d’animatrice de programmes et particulièrement de programmes de divertissement et de sport. Donc, on le fait mais ça ne peut pas être une démarche exclusive.

Coulissesmédias : Vous parlez de sport avec Tiga (animatrice de « Riding Zone »), le programme sportif sera chargé pour la prochaine saison sur France Ô ?

Gilles Camouilly : Le programme sportif sera de deux ordres, d’abord tout ce qui relève des sports olympiques, donc on étend le terrain de sport de France Télévisions puisqu’on va largement contribuer aux rediffusions des sports olympiques, que ce soit l’aviron, le rugby à VII, l’athlétisme, la natation, le cyclisme, le handisport… On va être très présent sur ces sports et puis on a aussi notre petite coquetterie, qui est d’abord de couvrir les événements sportifs en Outre-Mer avec notre marque « 3 Océans Sport » et puis des sports alternatifs extrêmes avec les sports de glisse et ce qu’on appelle le cliff diving, donc le saut de haut-vol, qui sont justement incarnés par Tiga.

« Pouvoir continuer à innover »

Coulissesmédias : Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la saison prochaine ?

Gilles Camouilly : Qu’est-ce qu’on peut nous souhaiter ? De pouvoir continuer à innover, à inventer sur une chaîne de télévision du service public.

 

Propos recueillis par Antoine Rogissard
Photo : Nathalie Guyon / FTV