Didier Maïsto : « Le rugby et Sud Radio sont indéfectiblement liés »

Le P-DG de Sud Radio s’est confié à Coulissesmédias sur le lien unique entre Sud Radio et le rugby. Il nous dévoile ses ambitions pour la station mais aussi la place des handicapés et des femmes dans le sport et les médias, sans oublier la Coupe du Monde qui commence aujourd’hui.

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Coulissesmédias : Fiducial Medias a repris il y a deux ans Sud Radio, alors à la dérive, vous avez tenu à remettre le rugby au centre des préoccupations de la station ?

Didier Maïsto :  Est-ce que le rugby n’a pas sauvé Sud Radio ? Probablement parce que cette radio, très implantée dans le Sud mais que tout le monde connaît en France, plus personne ne savait ce qui s’y passait vraiment ni quelle était la grille mais tout le monde parlait du rugby. Quand on a repris, le rugby n’y était plus et on l’a remis à l’honneur pour avoir tous les matches du Top 14 et aussi de Pro D2 et maintenant avoir un gros dispositif pour la Coupe du Monde puisque le sport, et en particulier le rugby, nous paraît être une composante essentielle de cette station. Le rugby et Sud Radio sont intimement et, je pense, indéfectiblement, liés.

 

Coulissesmédias : Cette liaison forte entre Sud Radio et le rugby est aussi dû au territoire couvert par la radio ?

Didier Maïsto : Le rugby est très implanté où on est, c’est-à-dire dans le Sud mais aussi en Île-de-France, où il y a quand même deux clubs phares, dont le Champion de France en titre (le Stade Français, ndlr). On parle toujours du Sud mais je crois que le nombre de licenciés le plus important est à Massy, où il y a notamment un grand centre de formation. C’est aussi un phénomène national et là on allie l’utile à l’agréable.

 

« La radio, c’est la vie »

 

Coulissesmédias : C’est la première Coupe du Monde depuis la reprise de Sud Radio, c’est un beau moment que vous vous apprêtez à vivre ?

Didier Maïsto : C’est un moment extraordinaire puisque c’est tous les quatre ans. Même si l’équipe de France a montré quelques faiblesses, on va tous être derrière et ce sont des moments de radio magnifiques. La radio c’est la vie, il faut être au cœur de l’événement et c’est ce qu’on aime faire. Quand vous avez la chance d’avoir des gens comme Herrero (Daniel, ndlr), Delaigue (Yann, ndlr) et Hueber (Aubin, ndlr) qui, étant Toulonnais, m’ont fait vibrer gamin, c’est vraiment une chance. Avoir la plus belle compétition mondiale du sport qu’on aime, avoir les meilleurs spécialistes qui commentent et tout un dispositif autour, c’est vrai que c’est le rêve. On va un peu rêver et j’espère jusqu’au bout.

 

Coulissesmédias : Pour cette Coupe du Monde, Daniel Herrero, la voix mythique de Sud Radio, revient. C’était important pour vous ?

Didier Maïsto : Ce sont les hasards de la vie, on avait des amis en commun, on se tournait autour et j’ai pris mon téléphone, on s’est vu et le courant est immédiatement passé. C’est difficile de ne pas s’entendre avec Daniel Herrero mais on a la même passion et la même vision de ce que doit être une radio. Il faut que ça reste professionnel mais quand on travaille dans les médias, et en radio en particulier, il faut prendre du plaisir sinon vous faites autre chose. Ça s’entend à l’antenne, quand les gens s’ennuient ou quand ils ennuient les auditeurs. On est assez vite tombé d’accord là-dessus.

 

Coulissesmédias : Sud Radio va être la radio numéro 1 sur cette Coupe du Monde de rugby ?

Didier Maïsto : Je l’espère. On a mis en place un dispositif pour que ce soit le cas, je pense qu’il est complet et qu’on a vraiment ouvert l’antenne au maximum et que l’événement rugby va primer sur le reste. Quand quelque chose d’important se passera, on n’hésitera pas à bousculer les programmes et à prendre l’antenne pour expliquer ce qui se passe. On espère être numéro 1, pas seulement dans le cœur des gens mais aussi en affluence.

 

Coulissesmédias : L’habillage de la radio va changer pour l’événement ?

Didier Maïsto : Il va y avoir un habillage bien spécifique au niveau du rugby pour bien marquer les univers. Ça reste une radio généraliste d’information et de débats telle qu’on l’a voulu puisque la loi a créé Sud Radio comme étant une radio généraliste au même titre que les trois autres puisque je ne parle pas de France Inter qui est du service public. Europe 1, RTL et RMC sont aussi des radios de catégories E, généralistes et nationales. On y tient car c’est le législateur qui l’a voulu ainsi mais on va aussi faire des incursions plus dans le terroir, plus dans le territoire et on voit bien que les territoires, c’est presque les tribus qui remontent. Il ne faut pas que ce soit trop guerrier mais on voit bien, avec la réforme territoriale, il va y avoir treize gouverneurs et finalement ces terroirs vont être remis complètement sur le devant de la scène à une époque où les États, avec L’Europe d’un côté et les territoires de l’autre, s’affaiblissent. On essaie de concilier ces impératifs, à la fois d’être national mais toujours ancré dans les terroirs.

 

Coulissesmédias : Concernant la diffusion de la Pro D2, elle est maintenue cette année ?

Didier Maïsto : Je préfère mettre le paquet sur l’élite. La Pro D2 on va la faire quand c’est possible mais on va faire un dispositif plus léger parce que c’est très disséminé. Il faut tout de même mettre en place des gros moyens parce qu’il faut des lignes numériques, il faut deux journalistes, il faut faire les liaisons et tout ça coûte cher. On n’a pas encore la couverture sur toutes les équipes de Pro D2 au niveau des zones d’influence donc à un moment il faut quand même que ça ait du sens. Couvrir un match de Pro D2 avec deux équipes de villes où on ne peut pas écouter Sud Radio ça n’a pas beaucoup de sens. On va essayer de faire la part des choses, quand il y aura des matchs vraiment importants on les couvrira, sinon ce sera plutôt Top 14.

 

« C’est 70-80% rugby »

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Coulissesmédias : Sud Radio ce n’est pas que du rugby, d’autres sports y sont aussi abordés, notamment dans « Sud Radio sports », présentée par Judith Soula ?

Didier Maïsto : La quotidienne, c’est du rugby en première partie et la deuxième partie c’est du multisport. On a aussi couvert le Tour de France cette année, on couvre du football et un peu tous les sports quand même. Je n’ai pas mesuré mais je pense que c’est 70-80% rugby et entre 20 et 30% pour le reste des sports.

 

Coulissesmédias : Un des gros événements sportifs de 2016 ce sera les Jeux Olympiques, vous allez prévoir un dispositif spécial à l’occasion ?

Didier Maïsto : Tous les grands événements sportifs qu vont au-delà des simples admirateurs d’un sport tels quel les Jeux Olympiques, on va les couvrir. C’est comme le Tour de France, on n’est pas la radio du vélo mais c’est le premier événement sportif mondial et avec tous les paysages qu’on voit, la traversée de la France profonde et des villages, c’est vraiment l’ADN de Sud Radio et on ne peut pas ne pas y être. On essaie de concilier ces impératifs.

 

Coulissesmédias : Il y aura aussi un dispositif pour les Jeux Paralympiques ?

Didier Maïsto : On suivra les deux, c’est pour nous quelque chose d’important. J’ai moi-même eu un accident de moto, je suis resté quelques mois handicapé dans un fauteuil roulant et je me suis rendu compte à quel point le regard des gens était important et trompeur. Dans la tête, on reste identique, handicapé ça ne veut rien dire, on est juste ennuyé dans la vie quotidienne. Ce sont des gens qui ont une abnégation, qui se dépassent complètement et si on peut contribuer à montrer que ce sont des sportifs à part entière, c’est important. Si ça pouvait faire prendre conscience aux pouvoirs publics parce que là, il y a eu encore un recul sur l’accessibilité. Quand on est handicapé, ça peut arriver à tout le monde du jour au lendemain, la tête est toujours pareille mais il faut une force de caractère quand rien n’est fait pour vous pour aller poster une lettre ou entrer dans un établissement. C’est ce petit droit presque à l’indifférence qu’on veut mettre à l’honneur et on va couvrir ça comme tout événement sportif.

 

« Le service public fait pas mal de progrès »

 

Coulissesmédias : Vous pensez qu’il y a un manque de médiatisation des sports paralympiques ?

Didier Maïsto : J’ai vu que le service public faisait des efforts quand même là-dessus mais je pense qu’il y a un manque de formation. Il y a un manque d’information, de communication et de formation aussi des personnels, dont les journalistes, parce que quand on est handicapé, ce qu’on veut absolument éviter c’est le misérabilisme, on veut être vu comme une personne à part entière. Malheureusement, c’est encore souvent traité sous l’angle misérabiliste, avec beaucoup d’emphase, mais je trouve que le service public fait pas mal de progrès.

 

Coulissesmédias : On est loin tout de même de la  médiatisation que peuvent avoir les Jeux Olympiques, il y a un monde d’écart entre les deux.

Didier Maïsto : Un monde, un monde parce que ça touche peu de gens et malheureusement pour prendre conscience de ça il faut peut-être l’avoir vécu, sinon on ne s’en rend pas bien compte.

 

« Ce culte du corps parfait, le sport ce n’est pas ça »

 

Coulissesmédias : Pourtant sur certains sports, notamment l’athlétisme, les résultats des athlètes paralympiques sont meilleurs que ceux des athlètes dits valides ?

Didier Maïsto : Ce qui est très compliqué, c’est que le sport est devenu un vecteur de communication hyper important pour plein de groupes, d’entreprises, de villes, de collectivités et que finalement on est un peu dans une vision idéale du sportif qui est magnifié comme un Dieu. Je me méfie un peu de ce genre de truc comme les Dieux du Stade, ce culte du corps parfait, le sport ce n’est pas ça. On oublie un peu le côté collectif et de dépassement de soi. En faisant des sportifs, dans des sports très médiatisés comme l’athlétisme, des icônes qui elles-mêmes font le show, je pense à Usain Bolt, finalement cela devient des produits. Il y a beaucoup d’enjeux financiers donc ce qui est compliqué c’est de savoir comment faire machine arrière. C’est super compliqué et je pense qu’il n’y a pas de recette mais c’est les fédérations, c’est les médias, c’est un travail collectif qu’il faut sans arrêt avoir en tête et ce sera difficile de revenir en arrière. Aujourd’hui, tous les sports se professionnalisent, il y a du marketing, les clubs et les sportifs sont devenus des marques et quand vous avez quelqu’un qui n’a pas toute son intégrité physique, c’est difficile de communiquer. Je pense qu’il ne faut pas se voiler la face, c’est un phénomène qui existe.

 

Coulissesmédias : Vous l’avez dit les sports se professionnalisent. Pour le rugby, c’était il y a tout juste vingt ans. Vous pensez qu’un sport perd un peu de sa valeur en se professionnalisant ?

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Didier Maïsto : Il me semble qu’aujourd’hui, le rugby est encore un sport épargné parce que sur le terrain vous ne pouvez pas tricher. Ça c’est professionnalisé au niveau du jeu, vous ne pouvez pas avoir une mauvaise condition physique, trop de poids donc c’est un combat rude, vous êtes sur un terrain mais si vous n’avez pas la foi, l’envie et la technique ça ne passe pas. Je ne crois pas que le rugby y ait perdu, il y a plutôt gagné. Je parlais avec Daniel Herrero du titre de Champion de France en 87 (pour le RC Toulon, ndlr), c’est une bande de copains, c’est un clan, ils sont tous Toulonnais, j’étais à l’école avec eux mais aujourd’hui, Toulon a tout gagné mais ce n’est pas la même aventure. Boudjellal (Mourad, le président du RC Toulon, ndlr), ce qu’il a fait,c’est magnifique mais c’est vrai qu’on va chercher des joueurs à l’étranger donc il faudrait retrouver cet esprit, allier ce panache qu’on avait avant avec ce côté professionnel. Ce pari est en passe d’être gagné mais il faut continuer, il ne faut pas perdre cet esprit-là. On voit quand même que l’esprit rugby reste quand vous allez dans des matches, même à Paris, il y a des derbys, c’est bon enfant, il n’y a pas de bagarre, les gens s’échauffent mais c’est familial donc je crois que le spectacle est plus beau. Les stades sont remplis, il y a des types sur le terrain qui son hyper performants mais ça reste quand même une fête sportive.

 

Coulissesmédias : Si les sports se professionnalisent, les médias évoluent aussi avec les nouvelles technologies et moyens de communication, dont les réseaux sociaux. Vous allez avoir un dispositif spécial à ce niveau ?

Didier Maïsto : On va utiliser Twitter, Facebook, tous les réseaux sociaux pour informer. On va prendre tous les outils à disposition et on va essayer de les utiliser au maximum pour faire savoir et on voit que ça marche pas mal. On ne peut pas tout le temps écouter la radio alors ça permet de suivre si il y a un essai, une décision d’arbitre ou autre, ça vient compléter l’antenne. C’est un phénomène assez sympa, donc on va l’exploiter à fond.

 

« On a fait le pari des femmes »

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Coulissesmédias : Judith Soula va être l’animatrice phare de cette Coupe du Monde sur Sud Radio, c’est important pour vous qu’une femme soit à la tête d’un tel dispositif ?

Didier Maïsto : C’est important d’avoir une femme qui s’y connaisse parce qu’il y a plein d’amatrices de rugby. Moi, j’étais étonné de voir à quel point les femmes étaient passionnées et on l’a vu avec la montée en puissance de l’équipe de France notamment. Judith est une connaisseuse, elle est née dans une famille de rugby, de joueurs talentueux, elle a grandi dans le milieu et c’était important pour nous d’avoir des femmes. Sur Sud Radio, on a fait le pari des femmes, la matinale est animée par Christine Bouillot et donc Judith Soula qui anime le sport sur l’antenne. On veut faire la promotion des femmes, l’Humanité est duale mais il y en a qui ne s’en sont pas aperçus.

 

Coulissesmédias : Comme vous l’avez souligné, le rugby féminin monte en puissance. Vous allez en diffuser sur Sud Radio ?

Didier Maïsto : On a commencé à le faire en parlant de la section féminine qui vient d’être créée au Stade Toulousain mais c’est clair qu’aussi bien en football qu’en rugby les femmes commencent à bien marcher. On va essayer d’en faire la promotion même si évidemment ce ne sera pas la même chose que pour le rugby masculin mais on va poursuivre l’effort. Ça joue bien, c’est vif, il y a de l’engagement donc ça ne peut que plaire.

 

Coulissesmédias : Le rugby est considéré comme un sport d’homme, c’est une bonne chose qu’il s’ouvre aux femmes ?

Didier Maïsto : C’est un des progrès de la société, il n’y a pas que des régressions. On se rend compte que le sport se féminise et c’est tant mieux parce que les femmes sont aussi talentueuses. Il n’y a pas de sport d’hommes ou de sport de femmes, il y a des goûts, des envies. Il est écrit nul part que les femmes doivent faire de la danse et les hommes du rugby, Dieu merci.

 

«  Reprendre simplement une belle place dans les médias radiophoniques »

 

Coulissesmédias : Sud Radio a un objectif défini pour cette année ?

Didier Maïsto : Cette année, l’objectif, il est d’abord de se faire connaître, reconnaître et d’être reconnu comme une radio intéressante, sérieuse, une radio généraliste qui a repris toute sa spécificité parce qu’on est proche du peuple, sans être populiste, et il y a un côté familial, amical. On est dans la vie des gens, on les accompagne ; on aimerait reprendre toute notre place et qu’on soit considéré à nouveau comme une radio généraliste nationale. Je ne mets pas d’objectifs chiffrés parce que ça ne veut pas dire grand chose. Je ne remets absolument pas en cause Médiamétrie mais la façon dont c’est fait, ils mesurent ce qui existe déjà. Reprendre simplement une belle place dans les médias radiophoniques, c’est notre objectif.

 

Coulissesmédias : Dernière question, qui dit événement sportif dit pronostic, quel est le vôtre pour la Coupe du Monde ?

Didier Maïsto : Je ne vais pas être très original mais je vois bien une finale All Blacks – Angleterre avec une victoire des All Blacks et peut-être la France qui irait jusqu’en quart de finale.

 

Propos recueillis par Antoine Rogissard