Daniel Herrero : « Le métier d’entraîneur m’a bien préparé au métier de consultant »

Véritable légende du RC Toulon et voix indissociable des grandes années de Sud Radio, Daniel Herrero revient à ses premiers amours pour commenter la Coupe du Monde de rugby. Coulissesmédias a recueilli pour vous ses émotions, sa vision de la fonction de consultant et ses prévisions en vue de l’événement.

Daniel  Herrero

Coulissesmédias : Vous étiez rentré sur Sud Radio en 1992 avant de la quitter au début des années 2000. Vous revenez cette année à la maison pour commenter la Coupe du Monde de rugby, c’est une émotion particulière pour vous ?
Daniel Herrero : Sans aucun doute parce que la mémoire est bonne, j’ai arpenté la planète ovale en compagnie de Sud Radio dans la décennie 90 et la décennie 2000, ce qui est conséquent. J’ai fait toutes les Coupe du Monde, tous les Tournois, j’avais une considération très élevée pour cette radio, l’harmonie que j’avais avec était sincère et authentique. Cette radio est culturellement et historiquement, c’est presque un synonyme, très orientée avec en fleuron le jeu de rugby qui est à la fois une culture, une pratique, une Histoire, c’est une ancestralité, c’est des humains. Dans ce média-là, la considération du jeu comme une aventure est réelle, il n’y a pas qu’une description du jeu, c’est une autre manière d’être au monde. Pour x raisons, il y a eu une décadence, une désaffection même autour du jeu de rugby, et puis là, une renaissance, cette maison se retransforme, elle est gérée avec des ambitions définies. C’est une radio qui se veut de couleur nationale avec une psyché et un regard un peu Sud mais, de fait, le rugby est presque mis au centre parce qu’il est considéré ici comme un des jolis bonheurs que l’on peut offrir aux gens parce que c’est une pratique estimée sur ses territoires, parce que c’est une manière de vivre, d’être aussi, parce que c’est une manière de rêver le monde. Le jeu de rugby est presque une manière de vivre ensemble, il y a quelque chose dans ce sport qui est une considération du lien social et à travers celui-ci, on donne du bonheur aux Hommes.

« La radio est un genre que j’aime éperdument »

Coulissesmédias : Vous avez tout de suite dit oui quand on vous a proposé de revenir sur Sud Radio ?
Daniel Herrero : Il y avait d’abord la turbulence de mon passé parce qu’avec cette maison il n’y a pas eu radicalement conflit mais il y avait eu licenciement, et puis, je ressentais la nouveauté, je sentais le souffle, enfin, je ressens l’ambition quand elle n’est pas balourde. On se méfie du bavardage qui est le champ dominant du contemporain, on aurait peut-être le goût de la conversation et de la compétence et ça me semble être une ligne directrice. Il y avait une vraie émotion, j’y suis allé avec plaisir et je sentais bien que la période Coupe du Monde était effervescente pour moi aussi, les sollicitations pouvaient être diverses mais la radio est un genre que j’aime éperdument. Le goût de transmettre les émotions du monde, en l’occurrence un match de rugby à travers les mots, j’aime beaucoup ça et avec cette maison, ça a été presque légitime.

Daniel HerreroCoulissesmédias : A la radio il y a un plus gros travail de description du fait de l’absence d’images ?
Daniel Herrero : C’est la définition essentielle, la comparaison entre la télévision où il y a l’image et la radio qui est exclusivement du son. En radio comme en télévision, il y a maintenant une équipe au moins de deux avec le journaliste qui est orienté vers la description, c’est-à-dire la lecture, en même temps qu’il voit, il lit et il dit, c’est un art complexe, c’est un bel art qui est un peu plus qu’un enchaînement d’actes ou d’instants et puis il y a le consultant, je fais partie de cette catégorie-là, lui c’est emmène-nous dans les vibrations du match, dans la lecture un peu stratégique sans doute.

« On ne peut pas être prophète si on n’a pas été berger »

Coulissesmédias : Quand on devient consultant, que faut-il garder du joueur pour pouvoir transmettre aux auditeurs ?
Daniel Herrero : Ma conviction, qui est discutable, c’est qu’on ne peut pas être prophète si on n’a pas été berger. Je pense qu’il vaut mieux avoir vécu, c’est-à-dire mettre dans son corps un certain nombre d’actions et d’émotions pour un jour pouvoir peut-être les analyser au mieux mais on voit bien des gens qui parlent sur des choses qu’ils ne connaissent peu et qui peuvent parfois bien en parler. Non seulement, on en voit beaucoup mais on ne voit plus que ça, ce qui est une interrogation dans la gestion du monde, moi je considère que, le consultant, il est à cheval entre une description mais qui est plus l’acte du journaliste, à savoir lire mais lire joliment, lire justement. Lire est difficile de fait parce que c’est déjà une interprétation malgré tout. Dans la lecture, il y a des choses qui dominent le regard, l’analyse n’en parlons pas mais l’analyse du consultant c’est quand même à un moment en radio, d’emmener quelqu’un dans la vibration et dont l’essence est émotionnelle. L’essence est peu rationnelle, ce qui est intéressant c’est que ceux qui nous entendent aient l’impression de jouer.

Coulissesmédias : Le palier entre joueur et consultant est difficile à franchir ?
Daniel Herrero : J’ai été longtemps joueur dans la période juvénile de mon trajet d’humain, pendant une quinzaine d’années, et après je suis devenu entraîneur qui est un métier très particulier. Il faut assumer un leadership, on est en tête et en proue d’un collectif pour lequel on est missionné dans la transmission, l’éducation et ça, ça passe presque exclusivement par la parole même s’il y a un mimétisme à travers ce qu’on fait de son corps. Le métier d’entraîneur m’a bien préparé au métier de consultant, je n’aime pas le mot de métier pour consultant, lire le jeu, comprendre le jeu, l’expliquer aux autres, en l’occurrence des joueurs, c’est sûrement la chose qui m’a le mieux préparé à la fonction de consultant. Il reste que la fonction de consultant, on parle, on raconte, c’est un conte vivant que tu transmets, on parle à des gens qui eux ne vont pas devenir joueur, qui ont le droit d’avoir la vibration de ce qu’on est en train de voir.

Coulissesmédias : Vous nous dîtes que vous n’aimez pas le mot de « métier » pour consultant, c’est une passion pour vous ?
Daniel Herrero : Le métier c’est un magistère, tu assumes quelque chose avec ton tour de main. Le sens profond me convient bien, transmettre quelque chose que j’ai accumulé, ressenti, éprouvé et vécu, mon tour de main. Le métier de consultant de radio c’est, transmettre quelque chose qui est relatif à sa culture, après je n’aime pas le métier quand il est lié à l’urgence du monde, le travail. Il me semble que c’est un bonheur d’être, il se peut que je gagne quelques tunes mais je vois bien que très souvent un métier c’est pour nourrir ta famille, moi c’est pour aller boire quelques gorgeons autour de quelque chose que j’ai eu plaisir à faire.

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« Je voue un amour éperdu (…) à des pédagogues qui ont un jour inventés au XIX° siècle le jeu de rugby »

Coulissesmédias : Cette année la Coupe du Monde à lieu en Angleterre, pays d’origine du rugby. L’événement en est d’autant plus exceptionnel ?
Daniel Herrero : Oui, à tous les titres. Je suis de ceux qui pensent que la perfide Albion, le rosbif n’est pas un ennemi héréditaire, je voue un amour éperdu à des gens, à un peuple et à des pédagogues qui ont un jour inventé au XIX° siècle le jeu de rugby. Je considère qu’en matière de pratique, ils ont encore le droit d’estimer qu’ils sont un peu devant, il faut faire attention parce que cela pourrait leur donner de temps en temps ce caractère suffisant, et ils se sont bien rendus compte que s’il fallait la gagner, s’ils voulaient la gagner, le mieux c’était de l’organiser. Ils l’avaient déjà fait en 91, ils ne l’avaient pas gagné mais ils étaient arrivés en finale et là ils se positionnent comme des favoris donc j’ai beaucoup de goût à aller dans un lieu ou dans une terre, sur des stades où vraiment le jeu de rugby est considéré comme quelque chose de haut dans l’aventure des Hommes.

Coulissesmédias : On va assister à une belle Coupe du Monde ?
Daniel Herrero : Par définition, « belle » ça veut dire il y a des très d’esthétique séduisants et il y a beaucoup d’équipes, c’est le forum, c’est la rencontre, il n’y a pas d’effervescence à mon sens stratégique mais il y a des hommes, il y a des incertitudes, il y a des rencontres passionnantes, il y a l’inventaire. Il est bon de faire les inventaires mais tout n’est pas beau dans un inventaire mais en attendant on est quand même dans un champ d’évolution de ce jeu. Où on est ? Des hommes qui le pratiquent ? Des gens qui le gèrent ? Il se peut aussi qu’à la sortie on soit un peu gagnés par une rationalité que tout s’analyse avec raison et avec froidure, ce qui serait pour moi une désespérance.

programme des matchs de Sud Radio

Coulissesmédias : Quel est votre pronostic pour cette Coupe du Monde ?
Daniel Herrero : Pronostic assez difficile, d’abord parce que le pronostic a deux ennemis, la conviction du supporter, du militant, « La France va gagner ! », dont je me méfie par nature, et la légèreté,le poncif « Les All Blacks sont les meilleurs. ». Il semble que bizarrement, si j’analyse les résultats de tous dans la période, il y a sept ou huit équipes qui peuvent gagner. De tradition, ça va être probablement encore un léger avantage à l’Hémisphère Sud et notamment le fleuron All Blacks mais les Anglais peuvent la gagner. Les Français, très honnêtement, pour la gagner je ne crois

photo consultants Sud Radio conf 03.09

pas mais ils peuvent faire un beau parcours. Je crois que leurs lacunes dans la construction du jeu, qui est un paramètre de la victoire mais que les Français n’ont pas travaillée au profit des

fondamentaux, peut leur être fatales. Les fondamentaux, ce sont les fondements, la fondation mais il faut aussi penser à l’édifice qu’il va y avoir dessus, c’est l’édifice qui conditionne les

fondamentaux. Si on ne se préoccupe que de gagner la balle, il faut répondre à la question « Qu’est-ce qu’on va en faire ? ».

Coulissesmédias : C’est ce qui avait manqué en finale en 2011 ?
Daniel Herrero : Pas tant que ça parce que ce jour-là ils avaient été joueurs alors qu’ils l’avaient été peu jusque là. La finale est assez bonne, ils vont sortir un fond de panache qu’on ne leur avait pas supposé.

« Si la France arrive au bout c’est un miracle »

Coulissesmédias : Il peut y avoir une équipe surprise dans cette Coupe du Monde ?
Daniel Herrero : La seule équipe surprise qu’il pourrait y avoir, c’est la France. Elle n’est pas attendue alors que si les All Blacks arrivent au bout on peut considérer que ma foi, que si les Springboks arrivent au bout on peut considérer que ma foi, que même si les Australiens ou les Anglais y arrivent on pourrait dire OK mais si la France arrive au bout c’est un miracle, donc c’est inattendu.

Propos recueillis par Antoine Rogissard