Made in Franck : EVERYBODY HURTS

« Made in Franck », ou la photographie musicale d’un jeune homme dans le vent qui ressort de son sac des chansons d’hier, d’aujourd’hui ou de demain, le tout à la première personne. Cette semaine, vague à l’âme avec HURTS.

Texte : Julien Franck / Photos : Mickaël Komer 

« Everybody hurts » chantaient REM en 93. Moins de 20 ans plus tard, et quelques semaines après l’annonce officielle de la séparation de ce groupe mythique, Sony Music sort une réédition du premier album de HURTS paru en France en novembre 2010. Oui la liaison est aussi facile que tirée par les cheveux, mais étant un grand fan de cette chanson mythique, je ne peux m’empêcher d’y penser à chaque fois que je prononce le nom de ce duo de synthpop.

C’est il y a un peu plus d’un an que j’ai entendu parler de HURTS pour la première fois. En Grande Bretagne la galette était déjà sortie le 6 septembre 2010. A l’époque je travaillais en radio et recevais donc les dernières nouveautés afin de les chroniquer. Avec une imagerie chic et leur premier single « Wonderful Life », les deux garçons de Manchester se devaient d’être des nouvelles icones de mode, icones gay, et duo hype en plein revival 90. Le marché aurait pu être là, avec comme marraine une Kylie Minogue en pleine forme qui leur offre un duo sur « Devotion » et surtout une très belle publicité en reprenant divinement le titre « Wonderful Life » lors d’une sublime session acoustique pour la BBC1. (Ensemble ils ont d’ailleurs partagé leur duo en live à Londres il y a quelques jours.) Malheureusement, leurs chansons ont peu résonné en France, contrairement à chez nos voisins allemands (explicable par la coupe de cheveux style Berlin du duo ?).

Quelques semaines plus tard, c’est donc au bureau de la radio où j’officiais à l’époque que j’ai rencontré Theo Hutchcraft et Adam Anderson. C’était un soir de novembre vers 20h, j’étais à mon poste, quand j’ai vu passer ces deux grands garçons qui seraient aussi bien passés pour des suédois que d’appeler un ex après quelques verres… Oui mais en fait non. Il faisait déjà nuit, ils étaient grands et de noir vêtus, comme tout droit sorti de la pochette de leur disque « Happiness ». Ironie du titre quand leurs 11 morceaux (+ une chanson fantôme) pourraient aussi bien composer la B.O. d’un film faisant l’apologie du suicide !

Disons que cette réédition sort à point nommé en plein climat automnal après le passage à l’heure d’hiver qui avorte le couché du soleil. Si vous avez envie de passer des heures neurasthéniques devant un feu de cheminée, emportée dans le passé (les années 90 post new wave, donc), dans une ambiance dark mais pop grâce à la voix à la fois clair et lourde du chanteur, c’est exactement ce qu’il vous faut. « Never give up it’s such a wonderful life » scande-t-il sans plus de conviction, mais on a quand même envie d’attendre la fin de l’album avant de mettre la tête dans le four. Surtout au vu du prix des disques !

Du piano, des cordes, ce qu’il faut d’électro, une voix qui résonne et un univers particulier jusqu’à amener un cercueil sur la scène des NME Awards en 2009, voilà ce qui définit aussi HURTS. Leur nom n’est pas anodin : si vous souffrez, écoutez cet album. Si vous ne souffrez pas, écoutez quand même cet album. Depuis sa sortie il m’accompagne sur mon iPod. A consommer tout de même avec modération, titre par titre, il est quand même un petit bijou de raffinement et de douceur sous l’amat actuel de surproduction clubbing à l’américaine… et personne ne contredira la classe à l’anglaise ! HURTS est smart, HURTS est branché, HURTS est classiquee, HURTS souffre mais pourraient nous faire danser. HURTS est de retour dans les bacs depuis lundi dernier avec cette réédition nécessaire pour les retardataires, et on se tarde déjà de savoir ce que peuvent proposer Theo et Adam pour la suite des réjouissances funestes